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Noël (Jour) 2013

Fr Pascal Marin op (La Tourette)

Jean 1,1-18

Pour parler de Noël, les théologiens,
ces maîtres dans la science sacrée,
qui ne sont pas toujours d’accord entre eux,
se mettent au moins d’accord
pour dire de Noël,
qu’il s’agit d’un mystère.
Noël est un mystère.
Et nous savons qu’un mystère dans la foi,
çà n’est pas ce qu’on ne peut pas connaître
ou comprendre,
mais au contraire, c’est une réalité
dont la connaissance ne peut jamais venir à bout,
dont la compréhension est inépuisable.
Hier dans la nuit,
le mystère de Noël nous a été présenté en saint Luc
par le récit de la naissance de Jésus à Bethléem.
Et ce matin,
c’est un récit d’un tout autre style
qui nous parle de la venue de Dieu en notre chair,
dans ce prologue de l’évangile de saint Jean.
Un récit de style plus abstrait,
une sorte d’écrit de sagesse,
dont la forme s’apparente à l’un des textes
de cette pensée qu’on définit
comme étant mue par “l’amour de la sagesse”.
Autrement dit, la philosophie.
Oui, le prologue de saint Jean pourrait ressembler
à cette philosophie qui fait fortune
dans l’empire romain de culture grecque
à l’époque où l’évangéliste écrit.
Et cela d’autant plus que le mot inaugural
de ce prologue
est le mot culte de la philosophie grecque,
le logos.
En arche èn o logos, dit saint Jean.
Au commencement était le logos,
et le logos était auprès de Dieu
et le logos était Dieu.
Voilà un noble et sage propos
qui peut ouvrir l’oreille d’un philosophe grec
façon Héraclite, Platon ou Plotin.
Mais la suite du prologue ne manquera pas
de dérouter un philosophe ancien,
qui est le tenant d’un logos du monde.
Non pas moi, non pas le pauvre homme,
de chair, mais le logos du monde,
avait dit l’un d’entre eux, Héraclite.
Or pour Jean, le logos qui a fait le monde
ne se rencontre pas dans l’étude de la nature,
dans la contemplation du ciel,
mais seulement dans le partage de la vie
d’un né de Dieu, Jésus-Christ.
Lui seul a le pouvoir de donner à tous ceux
qui le reçoivent de devenir enfant de Dieu.
Voilà la sagesse déroutante,
la drôle de philosophie de saint Jean,
qui nous ouvre ainsi à sa manière,
quelque peu renversante pour la philosophie,
au mystère de Noël.
Saint Augustin dira plus tard,
que le vrai amant de la sagesse,
le vrai philosophe,
est celui qui aime Dieu.
Mais Dieu personne ne l’a jamais vu,
dit saint Jean.
Seul le Fils, Jésus-Christ,
nous donne à le connaître.
Voilà la source de notre drôle de sagesse
à nous chrétiens.
Et cette sagesse,
dans notre Occident
qui est fasciné et toujours plus
par la puissance du monde,
et par le pouvoir extraordinaire
dont notre esprit peut s’assurer à partir d’elle
dans les sciences
et dans les techniques,
cette sagesse des chrétiens,
elle rencontre un rejet toujours plus fort
de par le monde
et par ses sages, ses savants,
un rejet,
qui rend toujours plus actuelle
ce que dit saint Jean
en son prologue :
“Le verbe est la vraie lumière,
qui éclaire tous les hommes
en venant dans le monde,
il était dans le monde,
mais le monde ne l’a pas reconnu”.
Mais qui ? peut encore reconnaître aujourd’hui
celui qui est venu en ce monde,
pour que tous aient la vie ?
Qui ? Tout un chacun !
Qu’il soit très savant
ou un peu savant,
puisque tout le monde l’est au moins
un peu aujourd’hui de par les médias.
Qui peut encore reconnaître aujourd’hui
celui qui est venu en ce monde,
pour que tous aient la vie ?
Tout un chacun,
dès lors que les reflets factices des lumières du monde
cessent d’ensorceler son esprit.
Dès qu’un homme, quelque soit sa culture,
sa religion, ou son irréligion,
se met à l’écoute
de la vie qui parle en lui,
à travers tout ce qu’il ressent,
sa souffrance, sa joie,
ses peurs, son espérance,
ses doutes, sa foi.
Dès qu’il est en désir de la parole des témoins de la vie,
et qu’à leur écoute,
il voit briller en lui un rayon
de la lumière originelle.
Cette lumière des cœurs
qui vient de Dieu.
Lorsque dans le monde de robots,
qui se construit autour de nous
à un rythme accéléré,
où la vie humaine est en souffrance,
lorsque là, se lève cette lumière,
dans cette clarté s’accomplit la naissance du Verbe.
C’est alors un autre commencement,
le Verbe prend à nouveau chair en ce monde,
il est parmi nous,
il vient nous visiter,
c’est Noël !