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2ème Dimanche de Carême - B

Fr Hervé Jégou op

1er mars 2015

Marc 9, 2-10 Lumière sur ma route, ta parole Seigneur !

Je viens de terminer la lecture d’un roman biographique sur une grande star hollywoodienne. Oui, les frères dominicains ne lisent pas que de la théologie ! Et dans ce livre qui est composé de manière polyphonique autour d’une trentaine de témoignages romancés, tous les personnages s’accordent pour dire que cette star, quand on la voyait dans la vie courante, n’avait rien d’aussi extraordinaire que cela, au contraire même : sa taille était petite, son dos était vouté, sa bouche contenait une prothèse dentaire, et ses yeux de myope l’obligeait à porter en permanence des lunettes. Vous me direz : comment a-t-on pu faire une star avec un tel passif ?
Mais voilà que lorsque les projecteurs des grands studios d’Hollywood s’allumaient, la métamorphose s’opérait. Cet acteur en effet prenait la lumière comme personne d’autre. Alors autour de lui plus personne d’autre n’existait et il devint ainsi cette idole qui traversa le ciel d’Hollywood comme une étoile filante. Cette idole, à jamais figée dans son éternelle jeunesse, s’appelait : James Dean.
Prendre la lumière. En invitant Pierre, Jacques et Jean à monter avec lui sur la montagne, Jésus ne les invitait pas à se rapprocher du soleil pour venir voir comment il prenait la lumière pour exister parmi les hommes. Mais comme toujours dans la Bible lorsque l’on monte sur la montagne c’est pour avoir un rendez-vous important avec Dieu. Comme Abraham montant avec Isaac pour offrir ce sacrifice ô combien énigmatique pour Isaac. Comme Moïse allant recevoir les tables de la Loi.
Il les invite avec lui pour être les témoins d’une révélation sans pareille. Il est en effet le sacrifice unique qu’annonçait celui qu’offrit Abraham en sauvant son fils grâce à Dieu sur le mont Moryah. Il est la Parole révélée à Moïse sur le Sinaïe, lui le Verbe de Dieu venu dans la chair, qui s’est fait chair.
Il ne vient pas prendre la lumière au sens où celle-ci viendrait de l’extérieur pour se poser sur lui. Cette lumière vient du plus profond de son être. Cette lumière qui le transfigure devant les yeux de ses disciples remplis de crainte. Cette lumière n’est ni celle du soleil ni celle de la lune, elle est bien plus que cela. Elle est La Lumière avant la lumière, avant la lumière jaillie au premier jour de la création du monde. Jésus est La Lumière né de La Lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu. Et cette montagne au sommet de laquelle Jésus est transfiguré et où brille cette lumière incréée devient alors le phare qui éclaire toutes les nations. Cette montagne qui résonne de la voix du Père : « celui-ci est mon Fils bien-aimé ». Oui,voici le Christ, voici le Fils du Dieu vivant proclame cette montagne. Et alors évidemment que Pierre, Jacques et Jean voudraient rester là, même s’ils sont dans la crainte, pour que ce moment ne finisse jamais : être les témoins avec leurs yeux de chair de la Lumière éternelle.
Mais voici que Jésus leur donne rendez vous sur une autre montagne. La montagne de Sion, le pôle du monde, la cité du grand roi. Car c’est là qu’il doit être sacré. Mais sacré non pas à la manière du monde car son Royaume n’est pas de ce monde. Jésus ne veut pas trouver refuge sur cette montagne du Thabor, nimbé de la lumière de son origine éternelle, pour ne plus redescendre. Non, il lui faut continuer sa marche vers Jérusalem. Il faut descendre encore et encore. « Lui, de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’anéantit lui-même, prenant condition d’esclave, et devenant semblable aux hommes … il s’humilia plus encore, obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la Croix ! » (Phil. 2,6-8)
Oui, Jésus ne serait pas digne de cette lumière qui le transfigure aujourd’hui s’il restait là sur cette montagne avec ses apôtres qui s’y sentent si bien, et s’il n’allait pas, par amour pour tous les hommes, vers cette autre montagne, offrir sa vie sur le Golgotha, pour le salut du monde. Sur cette autre montagne où de nouveau, comme en écho à la voix du Thabor, il sera reconnu par une autre voix. Alors que le ciel restera silencieux, sans voix, ce jour là comme certains jours de nos vie. Et que la lumière de la création déclinera dans l’obscurité pour s’incliner devant la Lumière éternelle qui s’anéantit dans la nuit de la mort. Une autre voix donc, celle du centurion : « Vraiment celui-ci était fils de Dieu ».
Ce n’est qu’après cela qu’il sera exalté par le Père, qu’il sortira victorieux des ténèbres du tombeau pour surgir ressuscité, lui le Vivant, dans la lumière de Pâques. De nouveau la Lumière ! Mais non pas pour lui seulement. Car il pourra désormais alors nous prendre avec lui dans sa lumière.
Lumière sur ma route, ta parole Seigneur ! « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le ».
Oui, frères et soeurs, nous sommes invités à entrer dans cette lumière du Christ transfiguré aujourd’hui. La lumière de sa résurrection, mais aussi la lumière de sa Parole. « Écoutez-le », nous dit sans cesse la voix du Père. Oui, écoutons-le frères et soeurs. Non pas d’une oreille distraite mais de tout notre coeur, de toute notre âme et de toute notre force. Alors nous aussi nous serons transfiguré par le Christ.
Que cette Eucharistie nous donne la grâce d’entrer dans cette lumière et d’y demeurer pour qu’elle nous illumine éternellement.