3ème Dimanche du TP - B
Fr Benoît Delhaye op
19 avril 2015
Luc 24, 35-48
Tout au long de sa vie terrestre, et en particulier les trois dernières années, alors qu’il partageait ses journées avec ses disciples, Jésus s’est battu pour essayer de leur faire comprendre qu’il n’était pas un homme comme les autres, mais le Fils de Dieu. En réalisant des miracles, des guérisons, et surtout en pardonnant les péchés. Qu’un homme puisse en guérir un autre, même de façon miraculeuse, c’était difficile à croire, mais cela ne posait pas trop de problèmes. C’était possible. Par contre, pardonner les péchés, c’était pour le peuple juif une action strictement réservée à Dieu. Quand Jésus a pardonné, par exemple au paralytique, ou à la femme adultère, certains des témoins ont compris qu’il était envoyé par Dieu, qu’il agissait vraiment au nom du Tout-Puissant ; ceux-là sont devenus ses disciples. D’autres, les plus nombreux, lui ont reproché de se prendre pour Dieu, de se proclamer le messie, le Fils de Dieu ; cette incompréhension et de ce rejet de la personne de Jésus lui ont valu un procès et sa condamnation à mort pour blasphème.
Maintenant qu’il est ressuscité, Jésus se trouve confronté au problème inverse : ses disciples en le voyant apparaître au milieu d’eux croient voir un esprit, un fantôme, un être divin, et sont terrifiés. Jésus doit alors leur faire comprendre qu’il est bien celui qui marchait avec eux sur les routes de Galilée, qu’il est l’homme qui était leur maître et leur ami, celui qui a été condamné à mort et exécuté à Jérusalem. Il doit leur montrer qu’il est bien un homme, et pas seulement un être spirituel, divin. Pour cela, il leur parle, puis il mange avec eux, enfin il leur montre ses plaies, les marques des clous dans ses mains et ses pieds. Un esprit ne mange pas, et ne peut avoir de cicatrices. Pour cela il faut un corps, donc être un homme. Alors ils comprennent qui il est, ils le reconnaissent. C’est bien Jésus. Il est donc vraiment ressuscité, puisqu’il est là alors qu’il était mort. Et s’il est immortel, c’est que cet homme est aussi un être divin. Il leur en a fallu du temps pour le comprendre, mais cette fois c’est fait, ils savent qui est Jésus : un homme-Dieu.
Quoi de plus normal pour un être humain que d’avoir du mal à concevoir qu’un homme puisse être le Fils de Dieu, qu’un homme soit une personne divine ? Et pourtant les disciples de Jésus, ceux qui sont restés jusqu’au bout, au minimum les onze apôtres, ont fini par le comprendre et par l’admettre : Jésus est à la fois homme et Dieu. Ni un homme envoyé par Dieu pour délivrer un message à l’humanité, ni un esprit désincarné venu faire peur aux disciples. Un homme qui pardonne les péchés parce qu’il est Dieu, un Dieu qui mange du poisson, qui a un corps, qui est mort sur une croix, parce qu’il est aussi un homme. Jésus est l’union parfaite entre la nature humaine et la nature divine.
Il a fallu plusieurs siècles aux premiers chrétiens pour arriver à formuler cette équation improbable, puisque les débats entre théologiens n’ont abouti qu’en l’an 451, au concile de Chalcédoine, à une définition de la personne de Jésus de Nazareth, vrai Dieu et vrai homme, deux natures en une seule personne. Aujourd’hui encore, sans un effort de réflexion de notre part, nous avons bien du mal à imaginer la personne de Jésus telle qu’elle est vraiment ; penser à Dieu le Père, qui trône dans les cieux, c’est encore possible ; imaginer l’Esprit Saint, envoyé par Dieu, qui vient habiter dans notre propre esprit, nous pouvons y arriver, mais un homme-Dieu, crucifié par les Romains il y a 2000 ans, ressuscité et toujours vivant auprès du Père, ce n’est pas évident. Il y a toujours dans notre inconscient une séparation naturelle entre ce qui relève de ce que nous sommes, des hommes, et ce qui relève de Dieu. Qu’il y ait un homme qui unisse ces deux natures en sa personne est un défi pour notre intelligence.
Et pourtant, depuis notre baptême, nous sommes directement concernés par cet homme-Dieu. Toute la vie chrétienne consiste à essayer de ressembler à Jésus Christ. Comment ressembler, comment imiter un homme qui est aussi un Dieu ? Déjà, essayer de ressembler à un homme que l’on admire, mais qui n’est n’est qu’un homme, ce n’est pas facile. Pour imiter le Christ, il nous a lui-même donné un moyen surnaturel, qui nous permet non seulement de le suivre mais de le recevoir dans notre personne, dans notre corps et notre esprit, dans notre vie. Ce moyen, c’est le sacrement de l’eucharistie.
Dans le pain qui devient le corps du Christ, nous le recevons en nous. Le Corps du Christ présent dans l’eucharistie est le seul aliment qui ne construit pas notre corps, mais qui nous fait devenir une autre personne : celle du Christ. Appelés par notre baptême à devenir nous aussi enfants de Dieu, nous avons la possibilité, par l’eucharistie, de devenir le Corps du Christ, de laisser Dieu habiter en nous et nous transformer. Nous ne deviendrons jamais comme le Christ, des hommes-Dieu, mais nous sommes appelés à nous élever, à abandonner notre condition simplement humaine, pour devenir des hommes dans lesquels Dieu est venu faire sa demeure. Par l’eucharistie, nous sommes divinisés. Nous entrons en Dieu, et Dieu vient en nous. Et si Dieu est en nous, alors nous sommes sauvés.