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13ème Dimanche du TO - B

Père Léo Scherer sj

29 juin 2015

Marc 5,21-43

Cette certitude du livre de la Sagesse, que nous venons d’entendre : « Dieu n’a pas fait la mort, il ne se réjouit pas de voir mourir les êtres vivants » résonne encore à nos oreilles. Et lui a succédé comme un cri de victoire la prière du psalmiste, prière qui s’est égrainée durant des siècles (avant et après Jésus Christ).
Prenons maintenant le temps de contempler les gestes et les paroles de Celui que Marc désigne d’emblée dès le commencement de son Évangile comme « Jésus-Christ, Fils de Dieu », et que les disciples ont découvert pas à pas à travers étonnement et silence, avec cette interrogation de plus en plus forte : « mais qui est donc cet homme ? » Qui est cet homme qui vient sécher nos larmes, et qui descend dans nos tombeaux pour nous faire renaître ?
Après la tempête apaisée, après la guérison du possédé de Gérasa remis dans son bon sens, Jésus regagne à nouveau en barque l’autre rive, et une grande foule s’assemble.
Dans cette nouvelle séquence, nous trouvons la foule qui le suit et même l’écrase, et voilà que deux situations à vue humaine sans issue, deviennent dans la rencontre avec Jésus, par la foi, événement de salut.
Se détache en premier lieu Jaîre, le chef de synagogue. Il tombe aux pieds de Jésus : « viens imposer les mains, à ma petite fille en train de mourir » Et Jésus de s’en aller avec lui. Et voilà que surgit de l’ombre au milieu de la foule, une femme, avec un désir qui prend corps : « si j’arrive seulement à toucher les franges de son manteau, je serais sauvé ». Et le Christ, une force étant sortie de lui, se retourne, et voilà que toute craintive, elle vient se jeter à ses pieds et lui dit toute la vérité. Nouveau rebondissement, au moment même où résonne aux oreilles de la foule et des disciples : « ma fille, ta foi t’a sauvée, va en paix et sois guérie de ton mal », voilà que des gens de la synagogue viennent dire : « ta fille est morte, pourquoi ennuyer le Maître, et Jésus de dire « sois sans crainte, crois seulement ».
Au départ, nous étions au bord du lac, ensuite sur le chemin et voilà que la dernière rencontre a lieu dans la maison. Jésus invite Pierre, Jacques et Jean (les témoins de la transfiguration au Thabor mais aussi de la nuit du jardin de l’Agonie) à entrer dans l’intimité de la maison … Il prend la main de l’enfant et celui qui avait apaisé la tempête du lac, par cette parole d’autorité : silence… et la tempête s’est calmée, reprend la parole, une parole créatrice : « fillette, je te le dis, réveille-toi », elle se lève et le récit poursuit « elle marchait, et il leur dit de lui donner à manger ».
Derrière le bouleversement des témoins souligné par le récit… il nous est donné de percevoir l’étonnement des premiers disciples et la joie des communautés chrétiennes. Elles ont été capables de relire cet événement à travers la mort et la résurrection du Fils. Elles ont su faire le lien entre la foi, les gestes et la parole qui parcourent tout le récit dans une trame sans faille, et les sacrements laissés entre les mains de l’Église, à l’intérieur de la maison.
Étonnantes rencontres aussi entre deux figures féminines : une petite fille et une femme, une petite fille de douze ans et une femme qui depuis douze ans est en souffrance. Étonnantes rencontres pour Jaïre, les serviteurs et les disciples.
Contemplons Celui qui est la Parole de Dieu en bouche d’homme, plein d’humanité. Il vient à notre rencontre sur nos routes humaines. Quand il entend le cri de l’homme, il fait un pas dans la même direction. Il est celui dont le regard est capable de rejoindre chacun dans le secret de sa vie, ses joies et ses souffrances. Il est Celui qui est capable d’écouter la parole de ses frères pour faire jaillir la vie.
Enfin, Il est celui qui prend le temps, face à une urgence qui ne souffrait pas de délai, de s’arrêter et de répondre à une nouvelle demande. Pour lui le temps n’est pas compté, mesuré ou arraché. Tout événement et toute rencontre peuvent devenir présence. Qui est cet homme ? Un homme habité par une certitude il est au service des hommes, dans l’œuvre confiée par le Père.
Je termine par une confidence : il m’est arrivé dans ma jeunesse…. De travailler avec le Père Besnard, dominicain. Ce dernier après un nouveau séjour à l’hôpital et une première série de traitements qui l’avaient épuisé, commentait (à la radio) l’évangile de la résurrection de la fille de Jaïre.
“Chaque fois qu’il ne peut supporter le contact d’une réalité terrible, que peut faire l’homme ? Il fait du bruit, il s’agite et se dépense. Cela distrait de l’insupportable. Cela exorcise l’angoisse. Nous cherchons à nous distraire de la mort bien avant que son ombre seulement se profile. Mais enfin, quand elle est là ? quand on est obligé de sentir qu’elle n’est pas loin, sur le palier, qu’elle s’insinue chez l’un, chez l’autre, qu’elle frappe ici ou là, qu’elle trouve toujours le moyen de se glisser par les fissures de nos murs, et les entrebâillements de nos portes ? Alors, chez nous aussi, c’est le tumulte. Et voici Jésus. En lui Dieu s’approche. En lui la présence de Dieu irradie. A quoi vais-je reconnaître cette approche et cette irradiation ? Pour moi, elle se trahit d’une manière spécifique par le pouvoir souverain qu’il a de chasser le tumulte. D’une voix sans réplique, d’une voix infiniment calme et infiniment efficace, Jésus pénètre dans la maison et dit : “Pourquoi ce tumulte et ces pleurs ?’ et il expulse le vacarme. /…/ Et la foi, qu’est-ce que c’est ? C’est d’étendre le bras et par-delà les remous de nos tumultes, de saisir la main de Dieu. Cette main que nous savons désormais toujours tendue.