29ème Dimanche du TO - B
Père Michel Mounier (Diocèse St Etienne)
18 octobre 2015
Marc 10.35-45
Broyé par la souffrance, le Serviteur a plu au Seigneur nous a dit Esaïe. On pourrait croire que Dieu veut la souffrance, qui serait rédemptrice. Pour bien lire un texte biblique il faut le lire avec toute l’Écriture. Et l’Évangile nous montre Jésus guérissant, expulsant le mal, pleurant avec Marthe et Marie, ressuscitant Lazare. Il se fait ennemi de la souffrance de l’homme. Dans l’ancien testament, le livre de la Sagesse nous dit : « Dieu n’a pas fait la mort et n’éprouve pas de joie quand périssent les vivants ». Ce n’est pas la souffrance qui sauve mais l’acte d’amour par lequel le Juste se fait solidaire de ceux qui souffrent, prend sur lui leur souffrance et leur mort pour, avec eux, « passer à travers », sens du mot Pâques.
Et voici que Jacques et Jean revendiquent les sièges à la droite et à la gauche du Christ venant dans sa gloire. Ce sont les places d’honneur réservées aux assistants du juge lors du jugement du monde. Significativement, nous ne retrouverons l’expression « à droite et à gauche » que dans les récits de la passion : deux brigands, l’un à sa droite, l’autre à sa gauche, voici ceux pour qui ces places sont réservées. La croix est en effet le jugement du monde car c’est là que sont dévoilés à l fois la perversité de l’homme et surtout l’amour de Dieu. Mis au rang des malfaiteurs, témoins du péché des hommes, eux aussi insulteurs du Christ, oui pécheurs jusqu’au bout et pourtant réhabilités parce qu’ils partagent le sort de Celui qui est venu partager le leur. Le Juste par excellence et l’injuste, confondus dans la mort, fruit du péché, sont finalement confondus dans la même gloire.
Jacques et Jean donc. Reconnaissons-le, nous nous retrouvons en eux : ils sont tellement humains. Jésus d’ailleurs ne leur en veut même pas, c’est tellement banal, tellement normal. Les hommes étaient ainsi alors et cela n’a pas changé. Il suffit de penser avec le sourire aux vœux du pape François à la curie l’an passé… Et tout nous pousse à cela tant la vie sociale et économique est devenue une vaste compétition dans laquelle, nous dit François, les pauvres sont de simples victimes collatérales. Le principe de l’économie libérale qui a sorti tant d’hommes de la pauvreté, entraîne chacun à vouloir être le plus fort, le plus compétent, le plus rentable, le plus beau aussi. Lorsque je vois des personnes qui résistent à cela, je suis dans l’admiration tant cela demande de force intérieure. C’est cette machinerie infernale, au sens propre du mot, que viennent contester la vie de Jésus, les Béatitudes et surtout la Croix. « Il n’a rien retenu qui l’égalait à Dieu mais a ouvert les mains. Il a tout partagé, son pain, sa joie, sa vie pauvre parmi les pauvres. »
Tout à l’heure je dirai au nom du Christ « faites cela en mémoire de moi. » Cela c’est à dire buvez à cette coupe, devenez serviteurs.
Celui qui veut devenir grand sera votre serviteur nous a dit l’Évangile. Jacques et Jean ne peuvent encore être à la droite et à la gauche du Christ sur le trône de gloire. C’est impossible car ils veulent être mis à la place des plus grands. Or ces places sont réservées à ceux qui se feront serviteurs, qui accepteront de passer par l’humiliation et la mort que l’Évangile vient d’annoncer pour la troisième fois. Mais rien n’est perdu pour eux.
Car le Christ va les amener à accepter de le suivre jusque-là : « la coupe que je vais boire, vous la boirez « Le Christ n’est pas venu pour juger les hommes aujourd’hui, c’est lui qui a été jugé. Les hommes se sont jugés eux-mêmes par la croix qu’ils ont dressée. Le jugement de la fin des temps, la venue dans la gloire, quand le Christ remettra tout la création entre les mains du père, c’est là que sera révélée la vérité de nos vies. Mais ce jugement-là, nous ne l’attendons pas dans la peur, dans la crainte qui paralyse, mais dans la confiance et l’abandon, car nous savons que notre juge sera surtout notre défenseur. Déjà il a donné sa vie pour nous. Et il nous fait tellement confiance qu’il nous dit : la coupe que je boirai, vous la boirez…faites cela en mémoire de moi.