33ème Dimanche du TO - B
Fr Pascal Marin op
15 novembre 2015
Marc 13,24-32
“Le ciel et la terre passeront
mes paroles ne passeront pas”,
nous dit Jésus en ce dimanche,
nous venons de l’entendre.
Et si, comme nous le pensons dans la foi,
les paroles du Christ ne passent pas,
si elles demeurent toujours valides, actuelles,
pour toutes les générations de fidèles,
alors en quoi cette page de l’évangile
est-elle aujourd’hui pour nous,
une bonne nouvelle,
qui fortifie en nous la foi ?
Ce n’est pas évident de le comprendre,
tant cette scène qui évoque,
en symboles et énigmes,
la venue du Christ,
son retour glorieux,
aux jours du “fils de l’homme”, comme il est écrit ailleurs,
cette scène de tonalité de fin du monde, d’Apocalypse,
est loin de ce qui fait habituellement
notre vie présente,
notre vie pas “à la fin des temps”,
mais au milieu du temps.
Mais souvenons-nous
que l’évangéliste Marc situe cette page à Jérusalem
dans les jours qui précèdent la passion du Seigneur.
Ce sentiment d’Apocalypse
d’un monde qui s’écroule,
il a été vécu par les disciples
dans la passion et la mort du Christ.
C’est un sentiment très profond,
enraciné, originaire
à la foi biblique.
Il a déjà été vécu par Israël
à travers sa longue tribulation historique
où se forme sa foi au Dieu créateur.
Expériences de servitude, de persécution,
de déportation, d’exil, de deuil,
qui font que le monde perd sa lumière.
Qu’il n’est plus permis de se fier,
à son éternité, à sa bonté, à sa fraternité.
Car comme le dira saint Paul,
en digne fils d’Israël :
“elle passe la figure de ce monde” (1 Co 7,31).
Et lorsque le monde s’efface
est-ce que tout a disparu ?
Non, miracle des miracles !
c’est là que la parole surgit à nouveau,
dans toute sa force créatrice et recréatrice.
C’est là que les témoins du Dieu vivant se lèvent.
Et Isaïe le prophète fait entendre ici son cri :
« une voix dit : crie et je dis que crierai-je ? toute chair est de l’herbe, et toute sa grâce comme la fleur des champs (…) L’herbe se dessèche et la fleur se fane, mais la parole de notre Dieu subsiste à jamais » (Isaïe, 40, 6-8)
Et Jésus, lui, nous dit :
“Le ciel et la terre passeront
mes paroles ne passeront pas”.
Écroulement du monde,
surgissement de la parole.
Le retour de tous les retours du Christ,
vécus dans la foi,
c’est après la nuit du tombeau,
le grand jour de la Résurrection.
Vivre les jours du fils de l’homme,
ce dont il est question dans cette page de Marc,
c’est vivre aux jours de la Résurrection.
C’est le clair obscur de la foi,
dans le contraste d’un enténèbrement du monde,
lorsque le soleil s’obscurcit,
que la lune perd sa clarté,
et que les étoiles ne brillent plus
au firmament du Ciel.
et d’un jaillissement du jour de la parole
qui ouvre, éclaire, et redonne vie.
Et c’est pourquoi le retour du Christ,
çà n’est pas pour demain,
ou après-demain,
ou à telle date,
celle qu’un ténébreux calcul pourrait arrêter.
Saint Paul dira ainsi aux chrétiens de Thessalonique,
qui étaient un peu dans la confusion
sur cette question du retour du Christ,
préoccupés de savoir quand çà allait se produire,
que le jour du Seigneur il arrive à l’improviste
qu’il peut survenir sans cesse et à tout moment,
et donc que la vraie question de la foi,
celle d’être témoin de la Résurrection,
celle d’être éclairé,
guidé,
sauvé par sa lumière,
ce n’est pas une question de “quand”,
mais de “comment vivre” :
« quand aux temps et aux moments, dit saint Paul,
vous n’avez pas besoin, frères, qu’on vous en écrive.
Vous savez vous-mêmes parfaitement que le Jour du Seigneur arrive comme un voleur en pleine nuit.
Quand les hommes se diront : Paix et sécurité ! c’est alors que tout d’un coup fondra sur eux la perdition, comme les douleurs sur la femme enceinte, et ils ne pourront y échapper.
Mais vous frères vous n’êtes pas dans les ténèbres de telle sorte que ce jour vous surprenne comme un voleur (…)
alors ne nous endormons pas, mais restons sobres et éveillés »
(1° aux Thessaloniciens,5)
Le retour du Christ pour nous frères et sœurs
n’est pas une question pour demain seulement.
Oui aussi pour demain, nous le disons dans le Credo :
“il reviendra dans la gloire pour juger les vivants
et les morts et son règne n’aura pas de fin”.
Mais si le retour du Christ peut avoir pour nous
du sens pour demain,
c’est parce qu’il en a d’abord,
toujours déjà pour aujourd’hui.
Nous expérimentons sans cesse dans la foi
le retour du Christ,
lorsque nous ne vivons pas seulement
dans le temps qui passe,
mais que nous vivons le temps,
au temps toujours nouveau de sa Présence.
En recevant sans cesse la lumière que donne sa Parole.
En élargissant peu à peu nos horizons étroits
à la grande assemblée, fraternelle, de tous les fidèles.
Et nous vivons le retour du Christ lorsqu’il nous rejoint dans le sacrement du pain partagé. Amen.