1er Dimanche de l’Avent - C
Frère Jean-Michel Maldamé op
29 novembre 2015
Luc 21,25-28.34-36
L’Avent Commence aujourd’hui le temps de l’Avent ! Faut-il rappeler que le mot ne désigne pas ce qui précède (avant, avec un a), mais ce qui vient, ce qui advient, un avènement – mot contracté en Avent (avec un e) ? Quel est celui qui vient ? Ne faisons pas semblant de ne pas le savoir, nous attendons la venue du Sauveur, le Christ Jésus. Or parler de sauveur c’est reconnaître que la situation actuelle n’est pas celle que Dieu veut, puisque notre monde est dominé par la violence. Nous ne serons donc pas surpris que les textes lus aujourd’hui nous parlent des malheurs du temps et que Jésus nous invite à être vigilants, non seulement au sens de vigie-pirate mais dans l’espérance d’un monde nouveau, transfiguré par l’amour de Dieu.
Étrange coïncidence entre l’actualité et le choix des textes liturgiques du premier dimanche de l’Avent : la guerre et les violences causées par les hommes, d’une part, et les bouleversements de notre planète, objet de nos soucis d’avenir. Si nous sommes surpris, c’est que nous avons l’habitude de penser à l’avenir de manière confiante et que nous plaçons les événements dans une croissance progressive et heureuse. Nous savons que les fruits viendront au terme d’une maturation progressive et heureuse et nous espérons qu’il en sera de même pour nos enfants. Force nous est de constater qu’il y a des ruptures. Si certaines sont heureuses, il y a aussi des malheurs et des fractures irrémédiables. Cela fonde le propos de Jésus quand il nous invite à veiller. Il ne s’agit pas seulement du plan Vigie-Pirate, Jésus dit « veiller et prier ». Nous le faisons ici ! Quel est l’enjeu ? Il est dit par une expression souvent employée dans les évangiles, hélas incomprise. Prenons un moment pour l’entendre.
Si Jésus évoque des catastrophes, hélas banales de son temps comme du nôtre, il nomme la venue d’un être mystérieux, si mystérieux qu’il n’a pas de nom propre ; il est le « Fils de l’homme ». Les auditeurs de Jésus peuvent la recevoir car cette expression paraît dans une vision du prophète Daniel qui évoque l’histoire du peuple élu au moment le plus tragique et douloureux, car le peuple, faible et démuni, a été asservi par les grandes puissances dont les armées ont pillé et ravagé le pays. Daniel les représente par les emblèmes qui figurent sur leurs armes des monstres (les dragons), des prédateurs carnassiers sur terre (lion, panthère, ours, léopard) ou dans les airs (aigles…) toutes cruelles, féroces, voire monstrueuses – toujours emblématiques des grandes puissances. Lorsque Dieu intervient en faveur des siens, il n’agit pas avec les mêmes moyens comme pour une vengeance cruelle. Dieu agit autrement, par une figure qui a visage d’homme, un figure d’humanité ou encore, selon la traduction littérale du texte devenu ensuite traditionnel « fils de l’homme ». L’expression désigne l’humain par excellence.
Jésus la reprend. Il l’utilise pour dire qu’avec lui paraît une exigence qui va à l’encontre de la marche du monde et de sa cruauté. Car il y a dans le cœur de l’homme bien plus de cruauté que dans celle de bêtes emblématiques de la violence. Il y a dans le cœur de l’homme des ténèbres, celles que révèlent non seulement les horreurs de la guerre, mais les cruautés domestiques qui accablent les femmes et les enfants et encore les calamités. Nous avons connu un XXe siècle de totalitarisme ; nous sommes entrés dans un XXIe siècle où le fanatisme religieux islamiste prospère dans les pays où règnent misères et dictatures et qui ronge notre société déséquilibrée et notre culture de mort. Contre ces monstres tapis dans notre cœur empli de colères et de ressentiments, la venue espérée est celle du Fils de l’homme, figure d’humanité dans sa vérité. C’est contre cet ensemble cruel que se dresse le propos de Jésus pour dire la fin du règne de la puissance du mal qui ronge l’humanité et la défigure.
Quel est alors le sens de l’attente qui commence aujourd’hui avec le temps liturgique de l’Avent : creuser en nous l’espérance en lui donnant pour horizon un espace pour grandir et croître. Non pas le désir de vengeance, mais le mouvement du pardon. Non pas la domination, mais l’accueil et le partage. Non pas le mépris, mais la reconnaissance et le respect. Cette attitude est dite par Jésus : être debout devant le Fils de l’homme. Tel est le sens du temps qui nous est donné : attendre le Fils de l’homme en préparant le chemin, celui où paraît la dignité humaine.
En ces temps de souci écologique et politique, l’appel de Jésus à veiller et à prier nous place sur le chemin de la paix puisque la source de la misère et de sa fille, la guerre, est tarie. L’énergie de vivre qui se pervertit en haine, mépris et violence s’humanise d’une présence, celle de Celui qui vient. Comme son nom l’indique, il vient pour tous, pas seulement pour quelques privilégiés. Notre prière ne nous détourne pas de l’urgence présente. Elle l’enracine dans le cœur même de l’amour de Dieu qui vient par un chemin d’humanité.