3ème Dimanche de l’Avent - C
Père Michel Mounier
13 décembre 2015
Luc 3, 10-18
Comme l’Écriture résonne étrangement aujourd’hui, surtout les deux premières lectures. « Pousse des cris de joie, fille de Sion ; réjouis toi Jérusalem » ; « Frères soyez dans la joie du Seigneur ». Étrangement, car nous entendons ces mots dans une société en crise, crise sociale du chômage, crise identitaire d’un peuple qui se vivait en modèle universel, crise d’un continent qui doute de lui-même, prend peur et se referme devant l’arrivée des réfugiés. Ajoutons y la guerre en Orient, les attentats. Presque partout en Europe la montée des nationalistes, des partis identitaires. Et en prime la crise écologique et climatique. Et au terme, dans tous les cas et pour chacun, la mort, du moins dans ce monde.
Mais ce contraste a le mérite de nous dire que si l’optimisme est une chose, heureuse pour ceux qui ont ce tempérament, l’espérance juive et chrétienne est tout autre. Si l’Écriture invite à la joie avec tant d’insistance, c’est qu’elle n’est pas évidente. C’est une joie au delà des apparences, au delà même des réalités vécues. Elle naît de la foi et se tient au plus profond de nous, sous l’agitation de nos angoisses et de nos peurs. Une sorte de « certitude malgré tout ». « Ne crains pas » dit Sophonie. Car l’inverse de l’espérance et de la foi, c’est la peur ; terrible maîtresse.
Quand à la lettre aux Philippiens, elle nous donne des synonymes de la joie : sérénité, absence d’inquiétude, paix de Dieu. « Ne soyez inquiets de rien ». C’est de cette confiance au cœur que vit le Christ à Gethsémanie, malgré l’angoisse.
” Le Seigneur est en toi” dit Sophonie. Toi, c’est à dire Israël malgré les catastrophes qui vont s’abattre sur lui. “Le Seigneur est proche” dit Paul. Pour que le Seigneur soit proche, cela demande que que nous soyons nous-mêmes avec Lui, car la présence de Dieu passe par la présence des hommes. Là où se trouve l’amour, là se trouve Dieu. Nul besoin de paroles pieuses, ni même spirituelles. Grand besoin par contre de ne pas déserter la détresse de celui où celle avec qui, pour Dieu, nous ne faisons qu’un. « Le Seigneur est en toi » se dit pour chacune de nous quand nous nous faisons proches « du plus petit d’entre les miens ».
« Il vient, le plus puissant que moi » dit le Baptiste. Jean annonce la venue de Dieu alors que Sophonie annonçait qu’il était déjà là. Les deux sont vrais car la présence de Dieu aux hommes se renouvelle à chaque génération, pour chacune et chacun qui doit en prendre conscience pour son propre compte. Il est venu, un jour. Il vient en chacun.
Le Christ est venu, mais chacun de nous est en deçà d’une venue ultérieure du Christ. Car il ne peut nous investir qu’au rythme de l’accueil que lui fait notre liberté. Une liberté qui se construit dans la mesure où cet accueil devient plus vrai. C’est dire que notre création est en route : nous ne sommes pas encore selon l’image de Dieu qu’est le Christ. Et nous ne pouvons songer à nous conformer au Christ à coup de volonté. Il faut le laisser venir dans la joie que donne la certitude de sa venue. Ce n’est pas de l’optimisme, c’est l’espérance chrétienne, l’espérance qui ne se paie pas de mots. Dans le tragique de l’histoire, de notre existence parfois, c’est l’espérance qu’il est déjà là, habitant notre attente.