5ème Dimanche du TP - C
Frère Christophe Boureux op
24 avril 2016
Jean 13,33-35
« Et Celui qui siège sur le trône dit : Voici que je fais toutes choses nouvelles ». « Jésus leur dit : « Mes petites enfants, je vous donne un commandement nouveau. Aimez-vous les uns les autres ».
Nous, chrétiens, nous aimons la nouveauté. C’est une marque de fabrique. On ne peut être chrétien sans être attiré par ce qui naît, fasciné par ce qui surgit, séduit par ce qui se renouvelle.
Lorsque la nouveauté paraît nous sommes à l’aise parce que c’est la trace de la résurrection. En ce temps de Pâques nous célébrons la lumière d’un jour nouveau, en dépit de ce que le vieux Qohéleth disait : « rien de nouveau sous le soleil, ce qui a été sera, ce qui s’est fait c’est ce qui se fera… tous les mots sont usés ».
Le christianisme a profondément imprégné notre culture occidentale qui, sous toutes ses formes, valorise la nouveauté : « c’est nouveau, donc c’est mieux ! » Est-ce pour autant que le christianisme est la religion des optimistes béats, des laudateurs du progrès et des contempteurs des conservateurs rétrogrades ? Certes non !
Gardons-nous d’identifier la nouveauté chrétienne avec une quête avide de changement, une course permanente à l’innovation.
Car la nouveauté chrétienne, la bonne nouvelle se reconnaît à deux critères :
* c’est une nouveauté créatrice sans être destructrice ;
* d’autre part, c’est la nouveauté d’un cœur nouveau, d’une nouvelle manière de voir ; nouveauté non pas de choses nouvelles, mais une manière adaptée, juste, ajustée, d’envisager nos relations au Ciel et sur la Terre, une conversion.
La puissance de la résurrection qui s’est manifestée au matin de Pâques nous a montré que la nouveauté qui vient de Dieu, est créatrice sans être destructrice. Jésus ressuscité est reconnu par ses amis, il a traversé la mort disons-nous. Il refait le geste de la fraction du pain, il montre ses plaies, il ne repart pas de rien. Sa vie nouvelle se base sur sa vie ancienne, il n’oblige pas ses amis à oublier tout ce qui s’est passé entre eux, bien avant, sur les routes de Galilée, mais il s’en sert comme d’un tremplin. Le sauveur ne s’oppose pas au créateur, la seconde alliance à la première, la vie après la résurrection n’efface pas celle d’avant.
Il en va de même pour nous : nous entrons dans quelque chose de nouveau lorsque nous sommes créateurs ; tout le reste n’est que fausse nouveauté. Nous ne faisons rien à partir de rien. La vie nouvelle, c’est la vie transmise et créative. Par contre la vie ancienne c’est celle qui s’est arrêtée. Lorsqu’il nous arrive d’inventer quelque chose de nouveau – rare moment – nous ne faisons qu’inventer, c’est-à-dire découvrir, mettre à découvert, enlever un voile d’ignorance ou d’oubli. C’est peut-être cela qui faisait dire à Qohéleth qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil : mais loin de le conduire au désespoir, nous nous apercevons que cela le conduit à apprécier les bonnes choses de la vie.
Tout va à la mort, mais il y a une chose qui en réchappe : la joie, la science la sagesse que le Seigneur donne à celui qui lui plaît. La nouveauté chrétienne se reconnaît à la joie du Créateur « et il vit que cela était bon ».
Le second critère de la nouveauté chrétienne fut formulé par Vincent de Lérins au cinquième siècle : « ne t’efforce pas de dire des choses nouvelles, mais de les dire de manière nouvelle, non nova sed nove ». Si nous regardons l’enseignement du Christ Jésus, nous nous apercevons qu’il n’a pas dit des choses nouvelles : tant par rapport aux sages des autres cultures de Bouddha à Lao Tseu (par exemple la règle d’or : ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’il te fasse) que par rapport aux prophètes ou à Moïse (le commandement de l’amour se trouve dans bien des passages de la Bible). Quand on l’interroge sur ce qu’il faut faire, comme le jeune homme riche, Jésus répond : « qu’y a-t-il d’écrit dans la Loi ? ». Et même lorsqu’il oppose le « il vous a été dit » au « et moi je vous dis », le contenu de son enseignement n’est pas différent d’autres rabbis antérieurs.
Alors en quoi innove-t-il vraiment ? Sa parole est une bonne nouvelle, un heureux message, qui fait toutes choses nouvelles dans la mesure où il prend résolument fait et cause pour ce qui advient, pour ce qui étonne en étant adapté à la situation. Quand il compare le Royaume à un trésor dans un champ, à une perle précieuse, au geste du bon Samaritain sur la route de Jéricho, à chaque fois, la nouveauté surprend, mais elle convient. Non seulement la nouveauté ne fait pas violence, ne détruit pas ce qui est ancien, mais elle s’accorde à ce qui est utile dans l’instant présent. La nouveauté du message de Jésus est fondée sur le fait qu’il est toujours adapté à la situation de ceux et celles auquel il s’adresse au moment opportun. Il y a non seulement un temps pour tout, un moment pour semer et un moment pour récolter, un geste adapté à chaque situation, mais il y a aussi, ajoute Jésus, des paroles et des actes adaptés à chaque personne. Ce n’est donc pas une nouveauté absolue que nous propose le Christ Jésus, mais une nouveauté toujours relative, ou relationnelle. Elle est porteuse de communion. Il peut y avoir des nouveautés comme des vérités blessantes. La nouveauté de la Bonne nouvelle est consolante, communiante.
« Je vous donne un commandement nouveau : aimez-vous les uns les autres » : ce qui est nouveau dans le commandement, ce n’est pas l’amour qui est éternel , comme le dit saint Paul, « l’agapè ne passera pas » ; ce qui est nouveau dans le commandement du Christ , c’est que cet amour est sans exclusive, s’adressant de manière toujours nouvelle, à des personnes toujours nouvelles.
Quel l’Esprit Saint nous enseigne les voies de cette nouveauté créatrice et ajustée.