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13ème Dimanche du TO - C

Frère Pascal Marin op

26 juin 2016

Luc 9, 51-61

Nous avons tous des images de Jésus dans la tête du fait des multiples représentations que la peinture, la sculpture, le cinéma nous offrent. Et quand j’entends à l’ouverture de cette page d’évangile que Jésus le visage déterminé prend la route de Jérusalem, l’image qui me vient est celle de L’évangile selon saint Matthieu de Pier Paolo Pasolini, avec ce Jésus, oui, déterminé, qui a un visage comme une icône de la justice, d’où sort une parole tranchante, à tonalité révolutionnaire, en particulier dans ces scènes qui se passent dans ce Jérusalem où Jésus se rend avec détermination, là où s’engage le conflit contre la religion du Temple, ses scribes, ses prêtres, mais le cinéaste n’a pas inventé le texte,
ce sont les paroles même de l’évangile.
Cette image d’un Jésus déterminé, qui ne mâche pas ses mots, elle ne fait pas l’unanimité. Maints fidèles, valorisent une image moins combative. Le Jésus qui prend sur lui nos fardeaux, car il est doux et humble de cœur. Il y a quelque de chose de surhumain, voire d’inhumain, de divin, dans le visage de Jésus que nous présente cette page de Luc. Oui de divin. Nous sommes juste après la transfiguration, cette trouée de Ciel sur la Terre des hommes. Et c’est encore le Ciel qui domine ici : “comme s’accomplissait le temps où il allait être enlevé au Ciel, Jésus, le visage déterminé, pris la route de Jérusalem”. Il y a du divin dans cette mise en route. Et à vues humaines du surhumain,
et peut-être aussi de l’inhumain. Car les attitudes et les réponses que Jésus fait à ceux qui veulent le suivre peuvent choquer
nos sentiments d’humanité. Quelle requête humaine plus légitime que celle d’aller enterrer son propre père, ou encore de dire
simplement adieu à ses proches ? Mais voilà que Jésus foule au pied sans grand ménagement les plus nobles sentiments humains, celui de la piété filiale, celui de la solidarité familiale. “Laisse les morts enterrer leurs morts” ! “Quiconque met la main à la charrue, puis regarde en arrière, n’est pas fait pour le royaume de Dieu” ! Oui de l’inhumain, du surhumain, du divin.
Mais justement Jésus le Christ n’est-il pas Dieu ?
Un philosophe antique, Plotin, dirait, que c’est tout à fait logique, théologique. Il disait : “Le principe n’est rien de ce dont il est le principe”.
Mais la foi biblique, elle, ne dit pas cela, elle explore inlassablement le mystère d’une intimité de l’humain et du divin.
Le Christ est Dieu, mais il est Dieu fait homme. La pensée biblique révèle l’humanité de Dieu et ce qu’il peut y avoir de divin en l’homme. Cet homme qui est selon les mots de la Genèse créé à l’image et à la ressemblance de Dieu. Alors inhumain, ce Jésus prenant, visage déterminé, la route de Jérusalem ?
Inhumain, si on veut, le mot est un peu déplacé, inhumain par respect de qui est l’homme en vérité.
Dans sa parole et dans son être, Jésus est ce glaive qui tranche et sépare, ce qui est d’une part humain, trop humain, pour reprendre un titre célèbre, et ce qu’il y a de divin en l’homme. Ce qui est humain, trop humain, c’est ce qui fait de l’homme un vivant parmi les autres, qui passe sa vie à lutter pour survivre contre les autres, et qui défend son territoire. Son clan, son village.
Il y a dans cette page d’évangile un passage très symbolique de cette manière de voir la vie, C’est l’épisode de ce village de Samarie
où parce qu’on sait qu’ils montent vers Jérusalem, les ennemis, on refuse de les recevoir. L’esprit de clan, de village, de clocher. Mais ce qui est divin dans l’homme, c’est cette capacité de se mettre en route, vers des horizons de vie toujours autres et nouveaux.
Jésus s’inscrit dans la continuité de la foi biblique qui révèle l’homme comme un être en exode, en exil, en désir inlassable d’une terre et de cieux nouveaux, d’une nouvelle création où régnera la justice. Ce qui est divin en l’homme, c’est comme le dit Jésus, que si les renards ont des terriers les oiseaux du ciel ont des nids, Le Fils de l’homme, lui, n’a pas où reposer la tête. Oui, les fils des hommes ne peuvent se reposer s’installer dans quelque havre de paix définitive, se nicher dans aucun nid, se terrer dans aucun terrier, en ce monde.
Comme le dira saint Paul en visionnaire qui ne voit pas l’homme selon la chair, nous l’avons entendu en 2° lecture, selon la chair, c’est-à-dire de manière humaine, trop humaine, mais selon l’Esprit, par ce qu’il y a de divin en l’homme, saint Paul dira : “elle passe la figure de ce monde”. Mais le Royaume de Dieu dont Jésus a laissé la trace fulgurante et indélébile en notre monde, Le Royaume de Dieu lui ne passe pas. Il nous appelle à sortir sans cesse de nos enracinements confortables de nos forteresses fragiles, de nos sécurités illusoires, et à reprendre la route, En frères du Fils de l’homme, et en fils du Père céleste. Et c’est un aliment de force pour le voyage que nous partageons dans nos eucharisties