2ème dimanche Temps ordinaire - Année A
Frère Benoît Delhaye op
Jean 1,29-34
Quelques jours après la célébration de la naissance de Jésus, puis de l’épiphanie et de son baptême, le temps de l’Église qui va se dérouler sur toute l’année nous fait entrer dans la vie de Jésus adulte, vers l’âge de trente ans, qui commence sa prédication. C’est avec Jean Baptiste que se fait ce début de vie apostolique. Celui qui déjà nous a accompagnés pendant l’avent, et qui annonçait la venue du sauveur d’Israël, se présente à nouveau sous nos yeux, dans les mêmes conditions, au désert, en train de baptiser et d’annoncer le messie. Le même homme, dans la même action et avec les mêmes paroles, mais une fois avant Noël, l’autre fois après. Il y a donc une différence entre ces deux rappels liturgiques d’un même événement, il y a un sens à cette répétition du même récit de l’évangile deux dimanches très proches l’un de l’autre. Jean Baptiste peut être vu de deux façons différentes, une fois avant Noël, une autre fois après.
Pendant l’avent, il annonce la venue du messie comme un prophète, le dernier des prophètes de l’ancien testament, celui que l’on appelle le précurseur, car il prépare les chemins du Seigneur. Jean Baptiste fait la jonction entre l’attente messianique du peuple juif, telle qu’elle est racontée dans les livres de la loi et des prophètes, ceux de l’ancien testament, et le temps nouveau qui s’ouvre avec la naissance de Jésus Christ, le Fils de Dieu qui s’inscrit dans cette histoire vieille de plusieurs siècles, et vient accomplir les prophéties messianiques.
Et puis il y a cet autre Jean Baptiste, qui, dans l’évangile de Jean, prononce des paroles d’une grande puissance, qui résument la personne de Jésus et sa mission : Jésus est envoyé par le Père, pour enlever le péché du monde, il est l’élu de Dieu, le Fils de Dieu. Jean parle et il agit, en baptisant dans l’eau ceux qui viennent à lui, jusqu’à Jésus lui-même. Mais ce baptême, nous le comprenions avant Noël comme une incitation à la repentance, un acte de conversion proposé à tous ceux qui attendaient la venue du messie et qui voulaient s’y préparer. Aujourd’hui, le baptême accompli par Jean reçoit une autre lumière avec ce baptême particulier qu’est celui de Jésus, et surtout cette parole mystérieuse de Jean qui présente Jésus comme celui qui va lui aussi baptiser, non plus dans l’eau seulement, mais dans l’eau et l’Esprit Saint.
Le baptême de repentance de Jean laisse discrètement la place au baptême accompli au nom du Christ, cet acte qui n’est plus un simple signe, un geste à portée symbolique qui veut laver les péchés commet on lave le corps en prenant un bain. Ce nouveau baptême qui s’annonce prend l’aspect de ce qu’il sera définitivement et encore aujourd’hui : un sacrement.
Jean Baptiste prêche, baptise, encourage les croyants à la conversion et à se repentir de leurs péchés. Puis il montre aux foules Jésus qui s’approche en le désignant comme l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde. Derrière cette figure se dévoile discrètement la nouvelle alliance, en particulier les sacrements qui nous seront légués par Jésus lorsqu’il sera retourné auprès de son Père. Le baptême, le sacrement de pénitence et de réconciliation, l’eucharistie où Jésus se fait présent à ceux qui l’attendaient, et pourquoi pas le sacrement de l’ordre que Jean semble avoir reçu, en sa qualité de précurseur du Fils de Dieu qui prêche et qui le premier montre Jésus aux croyants. Alors qu’il était le dernier des prophètes et qu’il semblait rangé dans l’histoire de la révélation, voilà que Jean apparaît comme le premier prêtre de la nouvelle alliance et que tout ce qu’il fait et dit laisse entrevoir ce qui deviendra l’Église.
Jean Baptiste incarne une Église en attente, qui s’est longtemps préparée à la venue du Fils de Dieu, et qui l’accueille. On reconnaît en arrière-plan dans ce récit ce qui se passe à chaque célébration de l’eucharistie : le peuple de Dieu se rassemble, un prêtre invite à la conversion et proclame la parole de Dieu, puis il montre aux fidèles le pain et le vin devenus corps et sang du Christ, en reprenant les paroles de Jean : « Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ». A chaque fois, nous revivons la dernière Cène, mais nous revivons aussi le baptême du Christ, ce moment où le sauveur a été reconnu par Jean comme l’agneau de Dieu. Nous sommes comme Jean qui attendait le messie et qui a fini par le voir, et nous sommes comme les apôtres qui font mémoire de lui après sa mort et sa résurrection en le voyant sous la forme du pain et du vin consacrés.
L’histoire du salut est celle du Fils de Dieu qui vient rejoindre l’humanité : une humanité qui l’attendait et qui depuis 2000 ans fait mémoire de lui et rappelle qu’il est toujours présent pour ceux qui se rassemblent et qui l’invoquent. Il s’est confié à son Église et c’est à elle, et donc à nous les baptisés, qu’il revient d’accueillir le Christ, de le montrer à l’humanité comme celui qui vient enlever le péché du monde, et de chercher à devenir ses disciples et ses apôtres. L’Église rassemblée pour la célébration eucharistique est le peuple d’Israël qui va rejoindre Jean au bord du Jourdain, elle est aussi le peuple de Jérusalem qui écoute les apôtres proclamer la résurrection du crucifié. C’est par l’Église que le Christ demeure vivant, et c’est pour elle qu’il vient chaque dimanche se faire présent dans le sacrement de son corps et de son sang.