Vendredi 22e semaine TO (II)
Fr. André Descôteaux op, Canada
Luc 5. 33-39
La coupe déborde !
Entre l’appel de Pierre et de ses compagnons, lu hier, et l’échange sur le jeûne entre Jésus et quelques scribes et pharisiens, le lectionnaire passe par dessus des événements qui nous permettent de mieux comprendre cette controverse.
Tout d’abord, enfreignant la Loi, Jésus ose toucher un lépreux pour le guérir. Par la suite, il va pardonner ses péchés à ce fameux paralytique qu’on doit faire passer par le toit pour qu’il rencontre Jésus qui défie les scribes et pharisiens scandalisés en leur disant : « Quel est le plus facile, de dire : Tes péchés sont remis, ou de dire : Lève-toi et marche ! » Et voilà qu’il le guérit. Et ce n’est pas tout. Immédiatement après, il aperçoit Lévi, un publicain, l’invite à le suivre et va festoyer chez lui. « Je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs, pour qu’ils se convertissent ».
La coupe déborde !
Et dans notre récit, voilà que les scribes et pharisiens remarquent que Jésus et ses disciples ne se comportent pas en véritables religieux car un bon religieux jeûne et fait de longues prières!
Ils sont vraiment sous le choc et dans un sens, ils n’ont pas tort !
Que répond Jésus ? Pas de traité sur le sens du jeûne. Mais une interprétation radicale de son action comme il l’avait fait à la synagogue de Nazareth. À Nazareth, il avait repris la prophétie d’Isaïe : “L’Esprit du Seigneur est sur moi. Il m’a envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres et proclamer une année de grâce du Seigneur ! ” Aujourd’hui, il met de l’avant cette belle image des noces développée par le prophète Osée. L’épouse infidèle, le Seigneur la conduira au désert pour la séduire. Dans la tendresse et la miséricorde, il la fiancera à lui et elle connaîtra Yahvé. Avec Jésus, c’est le temps de la grande séduction. Le temps des fiançailles. C’est le temps de la fête, des retrouvailles, des épousailles, le temps de la joie !
Jésus dépasse la question de la pratique du jeûne. Oui, éventuellement, ses disciples jeûneront. Ils jeûneront même comme les pharisiens avec une petite différence. Alors que ces derniers jeûnaient les mardis et jeudi, les chrétiens des premières communautés jeûneront les mercredis et vendredi. La question n’est pas là.
Ouvrez vos yeux ! Ne limitez pas Dieu à votre compréhension, à vos critères de ce que Dieu peut faire ou ne pas faire. Laissez-vous emporter par le moment exceptionnel, le moment de grâce que vous vivez. Enfin, Dieu visite son peuple. Votre espérance est comblée au-delà de tout ce que vous pouviez imaginer. Voilà pourquoi, il ne s’agit pas d’adopter quelques petits accommodements fussent-ils raisonnables, comme on dit dans mon pays. Il ne s’agit pas de raccommoder un vieux vêtement, mais de porter le vêtement de noces. Il ne s’agit pas non plus d’utiliser de vieilles outres desséchées, car le vin nouveau encore en fermentation les fera éclater. C’est le début d’un temps nouveau.
Cependant, Jésus n’arrive pas comme une météorite. Depuis des siècles, Dieu et son peuple apprennent à se connaître. Ils s’apprivoisent de sorte que ce dernier devrait le reconnaître et l’accueillir quand adviendra le grand jour tout surprenant qu’il puisse être. Jésus n’en a-t-il pas appelé aux prophètes et lui-même expliqué aux disciples tout ce qui le concernait dans l’Écriture ? Le vin gardé dans le cellier, il a bien vieilli. Aujourd’hui, la bonne bouteille, il faut l’ouvrir sinon le bon vieux vin risque de tourner au vinaigre.
Alors que l’Époux s’est dérobé à notre regard, dans l’attente de ce jour dont parle Paul dans la première lecture où tout sera mis en lumière, buvons le vin nouveau jaillissant du cœur du Christ, revêtons le Christ pour que nous soyons toujours ouverts à l’inattendu de Dieu – c’est surtout là notre défi, nous religieux – et pour que, en bons intendants des mystères de Dieu, nous allions, comme le Christ, vers les laissés pour compte, les lépreux de ce monde, les paralysés de toutes sortes, les égarés en signe des Noces auxquelles Dieu convie pour la plus grande joie de tous et pour sa plus grande joie. Amen.