2ème Dimanche du TO C
Fr Benoît Delhaye op Lyon
Jn 2.1 -10
Dans l’évangile de Jean, il n’est jamais question de miracles. C’est un mot qui n’apparaît pas. Jean préfère parler de signes. La nuance est importante car en utilisant le mot signe, Jean nous invite à interpréter les actions accomplies par Jésus, qui peuvent être des miracles, comme la guérison d’un lépreux ou le changement de l’eau en vin, mais pas seulement. Les paroles de Jésus ne sont pas des miracles, mais elles sont pourtant elles aussi des signes. Quand Jésus parle de Dieu comme de son Père, quand il pardonne les péchés, ou quand il encourage ses disciples à l’humilité et à la fraternité, il ne fait pas des miracles, mais il nous donne des signes. Il nous montre, par ces signes, qui il est. Un signe ne se suffit pas à lui-même ; il renvoie à autre chose. Comme un panneau de la circulation ne sert à rien en lui-même, mais renvoie à autre chose, à une autre réalité. Un trait noir courbé sur la droite puis la gauche et entouré d’un triangle rouge n’a pas d’autre raison d’être que de prévenir les conducteurs que la route va tourner, comme pour monter à Chalais. Il faut savoir lire le panneau, comme il faut savoir interpréter un miracle ou une parole pour comprendre ce qu’ils nous disent.
Un miracle est un signe, il nous dit quelque chose, si on sait le comprendre. Quand on évoque les noces de Cana, on ne parle pas de miracle, mais d’un signe, qui a un sens plus large. Un miracle, en général, consiste à mettre fin à une situation pénible : une maladie, une souffrance, une tempête, la faim ou la soif ; c’est une modification du cours naturel des choses qui remplace un mal qui paraissait inéluctable par un bien que l’on n’espérait plus. Alors que le signe peut concerner n’importe quelle situation. En changeant de l’eau en vin, Jésus ne sauve pas quelqu’un de la mort ou de la maladie. Manquer de vin dans un mariage c’est un problème, mais sans comparaison avec une maladie incurable. Changer de l’eau en vin, ce n’est pas tout à fait un miracle, même si c’est inconcevable de la part d’un homme ordinaire. C’est un signe qui nous dit que celui qui peut le réaliser est un homme extraordinaire.
Ce signe nous révèle que Jésus n’est pas seulement venu pour nous aider à affronter les situations pénibles. Il n’est pas seulement un médecin ou un sauveteur. Il ne s’en tient pas à nous remettre dans le droit chemin ou à nous guérir. Il nous donne gratuitement quelque chose qui n’est pas nécessaire à notre survie. Mais qui rend la vie plus belle. En procurant du vin à ceux qui font la fête pour célébrer un mariage, il leur montre qu’il veut que la fête continue, et qu’il veut y participer, parce qu’il se réjouit avec les époux et tous leurs invités de ce qui est célébré.
Le signe de Cana nous révèle Jésus tel que personne ne l’aurait imaginé. Que le messie ait le pouvoir de commander à la nature et de changer le cours normal des événements, cela n’a rien de surprenant. S’il ne le pouvait pas, on douterait qu’il soit envoyé par Dieu, qui contrôle tout, puisqu’il est le créateur de tout ce qui existe. Mais pourquoi le Fils de Dieu se préoccupe-t-il de procurer du vin à des époux ? Le vin de Cana nous renseigne beaucoup plus sur Jésus que tous ses autres signes ou miracles, d’autant plus qu’il est le premier signe de l’évangile de Jean et qu’il nous met tout de suite dans l’ambiance. Il nous apprend que Dieu se préoccupe de notre joie, de notre bonheur. La vie que Dieu nous donne ne doit pas en rester à l’état de la vie d’une plante ou d’un animal, qui ne se soucient que de leur maintien en vie, et passent le plus clair de leur temps à rechercher comment se nourrir. Dieu ne nous destine pas seulement à vivre comme des animaux plus intelligents que les autres, plus malins pour subvenir à leurs besoins. Il nous veut comblés de sa grâce. Il nous encourage à faire la fête, parce que la fête c’est le moment de la joie, de l’amitié, de la paix, du plaisir de faire des rencontres et de se réjouir d’être avec d’autres, en même temps et au même endroit. Dieu nous fait partager sa propre vie, et nous donne un avant-goût du Royaume des Cieux.
Ces noces de Cana, c’est l’image de l’Église qui rassemble des frères et des sœurs en humanité. Le Christ est présent pour nous rassembler et nous inviter à vivre dans la fraternité. Il ne nous donne pas seulement la vie, pour laquelle de l’eau est suffisante, il nous offre du vin, pour que notre vie soit tournée vers le bonheur et le partage de ce qui est bon, dans l’abondance, en vue de la vie éternelle dans son Royaume. Le signe de Cana nous apprend que le salut que Dieu nous offre avec la venue de son Fils, sa mort et sa résurrection, n’est pas limité au pardon de nos péchés, ce qui est déjà beaucoup. La vie transformée par le Christ est une vie de confiance et de réjouissance, dans l’amour qu’il nous donne sans mesure.