6ème Dimanche de Pâques C
P Michel Mounier
Jn 14. 2,23-29
Il n’y a plus de temple, nous dit le livre de l’Apocalypse. Plus de circoncision, nous dit celui des Actes des Apôtres. Voici la naissance d’un peuple nouveau, affranchi de tout ce qui particularisait Israël vis à vis des païens. Les douze portes de la ville signifient l’ouverture à l’universel tout en portant le nom des 12 tribus parce que le salut vient des juifs. Le Christ naît d’Israël, Jésus est juif, mais il ouvre l’accès à Dieu à toutes les nations.
Les fondations de la ville portent le nom des 12 apôtres envoyés à toute la terre. Cet envoi provoque la réflexion de la primitive Eglise que nous décrivent les Actes. Le débat ici porte sur la circoncision. Ce n’est plus le nôtre. Pourtant, ne sommes-nous pas, dans un contexte radicalement nouveau, devant le même travail que celui effectué par la primitive Eglise. Peut-être, avons-nous nous aussi à chercher dans nos comportements catholiques ce qui relève de l’essentiel et ce qui, non essentiel peut-être, est devenu incompréhensible pour les cultures et les hommes contemporains. Que ce soit le mode d’exercice du pouvoir, le cléricalisme, l’accès aux ministères, la place des femmes, voire certaines prescriptions morales. Jadis, les débats ont été fort vifs entre Pierre, Paul et Jacques. Le débat fraternel ne fait jamais de mal à l’Eglise.
« Nous ne faisons pas peser sur vous d’autres obligations que celles-ci : vous abstenir de viandes offertes en sacrifice aux idoles, du sang, des viandes non saignées, et des unions illégitimes. » Trois obligations négatives : on ne dit pas ce qu’il faut faire mais ce dont il faut s’abstenir. Pour deux, c’est une reprise du décalogue : Tu n’auras pas d’autres dieux que Yahvé, donc pas d’idoles, et tu ne prendras pas la femme de ton prochain. S’y ajoute la prescription sur le sang et les viandes non saignées. C’est bien plus qu’un tabou alimentaire que l’on retrouve dans d’autres cultures. Il faut comprendre cette interdiction à la lumière du récit où Noé la reçoit, car le sang, c’est l’âme, c’est à dire la vie elle-même. Symboliquement c’est un interdit porté sur la violence, celle de Caïn et l’escalade de violence qui s’en suit. La Bible insiste sur les liens entre l’idolâtrie et la violence. Et on sait que la sexualité devient facilement lieu de violence et de domination. Les trois interdits sont donc liés entre eux. Ils touchent à l’essentiel et concernent tous les hommes, quels que soit leur origine, juifs ou païens.
« Je vous donne la paix », nous dit l’Evangile. Le sang de l’homme Jésus sera versé, le Christ est à quelques heures de sa passion. Mais la mort du Christ va précisément mettre fin à l’escalade de la violence comme l’a si bien commenté René Girard présentant Jésus comme le bouc émissaire. A cette mort ne répondra pas une autre mort car Dieu ne vengera pas la mort de son fils. Et c’est un drame et un péché de l’Eglise d’avoir si longtemps parlé des juifs comme peuple déicide, avec les persécutions qui ont suivi. Au péché de l’homme, Dieu ne répond que par le pardon. C’est la fin de la longue histoire biblique au cours de laquelle les hommes se sont demandé si les catastrophes qu’ils subissaient n’étaient pas revanche divine. Voici qu’éclate la vérité. Dieu est amour, Dieu n’est qu’amour. Sa revanche, sa victoire, c’est de faire triompher l’amour. « Là où est la haine, que je mette l’amour », priera François d’Assise ; « là où est l’offense, que je mette le pardon ». Si nous le voulons, nous dit l’Evangile, Dieu, l’Amour, viendra demeurer en nous. Le dernier mot c’est la paix. Et le premier que nous avons entendu de la part de Dieu dans Luc, à la naissance de Jésus, c’est « paix sur terre aux hommes qu’il aime. » Paix.