Solennité de la Toussaint 2020
Fr Benoît Delhaye op
Mt 5, 1-12a
La fête de la Toussaint est chaque année l’occasion pour nous de célébrer ensemble, en une sorte d’hommage collectif, tous les hommes et les femmes qui ont marqué l’histoire de l’Église par leur courage dans la foi, je pense aux martyrs qui ont donné leur vie par amour pour le Christ, par l’immensité de leur charité, ou par leur insatiable volonté d’annoncer l’évangile. Tous les saints du calendrier, mais également tous ceux dont le nom ne s’y trouve pas faute d’un nombre suffisant de jours dans une année. Sans oublier tous les saints qui ont brillé par leur discrétion au point qu’ils n’ont pas été remarqués par les autorités ecclésiales, qu’ils n’ont donc pas été canonisés, mais qui ont été de véritables messagers du Christ par leur bonté de tous les jours.
En admirant ces saints et ces saintes, nous sommes invités non seulement à leur rendre hommage et à perpétuer leur mémoire, mais aussi à prendre exemple sur eux. La Toussaint est donc un temps privilégié pour nous tous qui souhaitons suivre le Christ, par la prière et par la célébration, mais aussi en essayant d’aimer comme il nous l’a demandé. D’aimer sans conditions tous ceux qui croisent notre chemin, de leur faire du bien, de leur pardonner le mal qu’ils peuvent nous faire, de prier pour eux et de leur annoncer la bonne nouvelle de l’amour de Dieu.
Aimer tout le monde n’est pas facile, et bien souvent nous sommes découragés devant la difficulté de ce défi. La tentation est grande de finir par admettre que l’amour ne se commande pas, qu’il est déjà bien difficile d’aimer ceux qui attendent notre attention et qui ont besoin de notre bienveillance. Dans nos familles, nos communautés, nos cercles d’amis, nos lieux de travail, c’est chaque jour qu’il nous est demandé d’aimer, de pardonner, d’apporter de l’aide et du réconfort à ceux qui traversent des épreuves. Et cela nous demande déjà beaucoup de patience et de générosité.
Et pourtant, Jésus nous a demandé de nous aimer les uns les autres, sans distinguer entre les proches et les lointains, les amis et les inconnus. Il nous en a donné le commandement. Alors que faire ? Nous résigner à ne pas être capables de faire ce qu’il attend de nous ? Accepter que nous ne soyons pas faits pour la sainteté et que cela soit réservé à quelques-uns, qui formeraient élite au cœur de l’Église et du monde ?
Nous ne devons pas renoncer à aimer, ni à vivre en sainteté. Mais la méthode Coué ne fonctionne pas mieux dans ce domaine que dans n’importe quel autre. Si nous voulons avoir une chance d’aimer sans mesure, il nous faut commencer par le commencement : on ne peut pas donner ce que l’on n’a pas. Pour donner de l’amour, il nous faut d’abord en recevoir. Le seul amour inconditionnel et infini qui existe, c’est l’amour de Dieu, c’est l’amour donné par Jésus à ceux qu’il a rencontrés, du petit enfant jusqu’à ses bourreaux.
La sainteté n’est pas une succession d’actes et de paroles. Elle est une succession d’amour reçu et d’amour donné. Pour aimer, nous devons nous laisser aimer. Et pour nous laisser aimer, nous devons faire de la place dans notre cœur pour permettre à Dieu d’y déposer un peu de son amour. La sainteté commence par l’accueil de Dieu dans nos cœurs.
Les Béatitudes nous présentent un programme de sainteté. Comme tout programme, il ne s’agit pas de tout mettre en œuvre tout de suite mais de procéder par étapes, en donnant le meilleur de nous-mêmes sans pour autant nous décourager si nous ne parvenons pas immédiatement à la perfection. Avant de consacrer notre vie au combat pour la paix et la justice, commençons par essayer d’être doux, humbles et pauvres de cœur.
Travaillons à la pureté de notre cœur, pour que Dieu y trouve la place d’y entrer et d’y déposer un peu de son amour. Dans un second temps, forts de cet amour reçu et accueilli, il est certain que nous trouverons en nous les ressources de la miséricorde et du combat pour la justice.
Heureux les cœurs purs ; heureux les doux ; heureux les pauvres et humbles de cœur. Commençons par essayer de mettre en œuvre ces trois béatitudes. Ensuite, nous essaierons d’être miséricordieux et assoiffés de justice, de devenir des artisans de paix. Par étapes, petit à petit, nous aimerons comme Jésus nous aime, et nous serons alors étonnés de voir que son amour deviendra notre amour, que sa sainteté deviendra notre sainteté.