Close

1er Dimanche de l'Avent C

Père Michel Mounier

Lc 21, 25-28.34-36

Il y a deux dimanches, nous entendions déjà ce récit d’apocalypse dans l’évangile de Marc. C’est un mode de récit très présent dans la Bible et que nous avons aujourd’hui du mal à interpréter. Dans notre culture contemporaine, cela signifie catastrophe. Dans l’Ecriture, cela signifie révélation. Dans le nouveau testament, les apocalypses, les révélations, ne nous disent pas autre chose que la passion, passion du Christ et passion des hommes. Passion et résurrection. Nous ne pouvons nous empêcher de rêver d’une période historique passée ou future où l’humanité serait apaisée, en paix avec elle-même et avec la création. Vieux rêve militariste. L’écriture ne nous laisse pas trop rêver, elle voit l’histoire du début à la fin comme un combat. Contre les ténèbres, contre les forces destructrices. Aujourd’hui nous connaissons bien l’angoisse environnementale, à quoi bon mettre des enfants au monde, un monde déjà condamné. Nous ne connaissons que trop bien aussi l’angoisse identitaire véhiculée par les marchands de haine et de malheur. Or l’écriture quand elle nous présente l’humanité réconciliée la projette hors de l’histoire. Mais aussi, en même temps, dans notre histoire, de façon invisible chaque fois que des hommes dépassent leurs divisions, chaque fois que l’amour prend le dessus. Tout est mêlé et Dieu vient dans le chaos lui-même.

Dieu vient. C’est donc un message d’espérance. Cependant il y a plus. La passion du Christ qui récapitule toute l’histoire nous montre que Dieu n’intervient pas dans ce chaos de l’extérieur. Non, Dieu s’intègre en quelque sorte à notre mal. Paul dira même que le Christ se fait péché. Ce qui est bouleversant ce n’est pas seulement le cosmos et l’humanité, c’est Dieu lui-même. Le prophète Osée nous dit que plutôt que de bouleverser Israël, Dieu est lui-même bouleversé. Comme la terre retournée par la charrue. Ce n’est pas d’en haut mais en s’intégrant au chaos que Dieu recrée, premier jour d’un monde nouveau. Oui, c’est par le mal qu’engendre l’homme que Dieu sauve l’homme et, avec lui, toute la création qui en est solidaire puisque tout est lié. Et voici tout à la fois l’incarnation et la passion.

De génération en génération, les hommes vivent des apocalypses. Et à chaque génération, l’évangile vient nous dire que, par là, c’est Dieu qui vient. Non qu’il ait besoin du chaos, quel Dieu ce serait. Le chaos, c’est notre affaire, et nous sommes doués. Mais il l’assume. Nous qui sommes croyants, nous ne pouvons contempler en spectateurs ce combat créateur, l’affrontement des ténèbres et de la lumière. Par notre péché, nous contribuons aux ténèbres, mais par l’évangile, nous sommes filles et fils de la lumière. Avec le Christ, nous avons à affronter à notre place, chacun comme il le peut, le mal du monde. En attente de la venue de la lumière. Aussi Noël n’est pas derrière nous mais devant nous. Le Christ est Celui qui vient. Il est venu un jour dans notre chair, il vient. Et un jour, un jour… Jean Ferrat qui ne croyait pas en Dieu chantait après avoir décrit tous nos malheurs :
« Un jour pourtant, un jour viendra couleur d’orange. Un jour de palmes, un jour de feuillages au front. Un jour d’épaule nue où les gens s’aimeront. Un jour comme un oiseau sur la plus haute branche.
C’est depuis toujours l’espérance des hommes, de ceux qui croient au ciel et de ceux qui n’y crient pas. Alors oui, nous le croyons, nous l’espérons : ce jour vient, non d’abord fruit de nos efforts, cadeau de Dieu qui pourtant sollicite notre collaboration, qui ne peut faire sans nous. Ce jour vient. Ce jour où nous serons dans la gloire de la création achevée, enfin réconciliée.