Solennité du Saint Sacrement 2022
P Michel Mounier
Lc 9, 11b-17
Alors que nous fêtons aujourd’hui le Saint Sacrement, les textes proposés par la liturgie témoignent d’un léger glissement quant au sens de la fête, surtout comme nous avons pu la vivre, je pense pour moi à des souvenirs d’enfance. Il ne s’agit plus de célébrer « Jésus hostie », l’hostie consacrée, mais l’action eucharistique, le rite fait de gestes et de paroles par lequel nous nous remémorons le dernier repas du Christ, premier acte de la passion. Évolution oh combien bénéfique car Jésus n’a pas dit « mettez-vous à genoux et regardez « mais « prenez et mangez ». Prendre et manger le pain sur lequel ont été dites les paroles de Jésus, voilà ce qui nous met en relation, en communion avec lui. Il y a plus : les récits nous disent que Jésus rompt le pain. Rompre le pain, c’est le partager pour que chacun en ait à sa faim. Et la coupe circule. L’eucharistie est un acte profondément social. Ce repas, on ne peut plus simple, est pris ensemble car sa fonction est justement de rassembler. Ce que produit l’eucharistie est bien le corps du Christ qu’est l’Église, c’est-à-dire nous tous, chacune et chacun de nous, dans nos différences.
L’Église donc ! Mais doit-on en rester à l’Église ? L’Église est elle-même « sacrement », signe visible d’une réalité qui la dépasse, le rassemblement de tous les hommes de tous les temps. Aussi l’eucharistie est-elle SACREMENT de l’alliance universelle. En y participant nous manifestons que nous adoptons les attitudes du Christ Jésus, cet amour qui amène à donner sa vie, sa chair et son sang pour la vie des hommes. Le don que Jésus fait de lui-même revient à tuer en lui la haine. En partageant le pain et le vin, nous entrons dans la logique de la Pâque, de la vie donnée. « Faites cela en mémoire de moi ». La mémoire du Christ est une mémoire dangereuse, c’est la charité en actes.
L’alliance que signifie et réalise l’eucharistie est donc alliance avec Dieu dans et par le Christ et, dans le même mouvement entre nous, les humains et en priorité les plus pauvres. Et même avec toute la création, avec le cosmos. Tout est lié nous dit François. Et remarquons que le pain et le vin sont nourriture pacifique qui n’exige pas de verser le sang. Le seul sang versé sera celui du Christ, donné librement.
Paix entre les hommes, paix avec la terre nourricière. L’eucharistie embrasse l’univers entier. Elle anticipe l’achèvement de la création et de l’histoire. Cieux nouveaux, terre nouvelle où tout conflit est surmonté. L’eucharistie nous accompagne dans la longue et laborieuse marche vers l’accomplissement.
Oui, que vienne les cieux nouveaux et la nouvelle terre, la terre eucharistique.