Toussaint 2022
Fr Loïc Bournay op
Mt 5, 1-12a
Le livre de l’Apocalypse décrit une foule immense. Pourtant, à lire les notices décrivant la vie des saints, on a parfois l’impression d’avoir affaire à une élite de l’Eglise : une équipe de champions des vertus héroïques, des martyrs d’autant plus vénérés qu’ils sont morts dans d’atroces souffrances. Bref, des parcours de vie plus inaccessibles les uns que les autres, et pas toujours enviables.
La sainteté vue ainsi ressemble un peu à un chemin de montagne. Vous croyez arriver au sommet, mais non, c’était juste une bosse. Le sommet est encore très loin, tout là-haut ! Il peut y avoir de quoi se décourager, et même pour certains, tomber d’autant plus bas dans le vice qu’ils se sentent incapables de se hisser à la hauteur de la vertu attendue. Mais je n’insiste pas davantage, car, vous l’aurez compris, là n’est pas le vrai visage de la sainteté.
Si nous sommes appelés à devenir saints, car Dieu est Saint, c’est en empruntant le chemin de l’amour, car Dieu est Amour. Ce chemin, tout le monde peut l’emprunter. Plus ou moins bien, peut-être avec beaucoup d’imperfections, des erreurs, mais rien qui ne justifie de cesser d’apprendre à aimer, de cesser d’essayer d’aimer en vérité.
Aimer d’un amour qui toujours invite et jamais ne contraint.
Qui toujours propose et jamais ne s’impose.
Qui toujours se donne et jamais ne possède l’autre.
Certes, c’est exigeant. Certes, il y a de nombreux visages défigurés, voire pervertis, de l’amour. Mais il est toujours possible de continuer à avancer sur ce chemin. Et peu importe le chemin déjà parcouru, peu importe le chemin qui reste à parcourir. L’essentiel est dans ce qui nous nous efforçons de vivre. Dans ce qui fait de non, non pas des gens qui vivotent, mais de véritables vivants. Nous n’arrivons pas à vivre cette intensité de vie et d’amour à toutes les minutes ? Et alors ? Les saints que nous fêtons aujourd’hui non plus.
Mais ils sont autant de visages amis, de personnes que nous pouvons aimer, non comme des figures du passé, mais comme des vivants auprès de Dieu. Et parce qu’ils sont proches de Dieu, ce sont de bonnes fréquentations. Les petits côtés, les travers de comportement, cela fait partie des vicissitudes de nos vies humaines, et cela peut être contagieux. En cela, il existe de mauvaises fréquentations. Mais il y en a aussi de bonnes, qui nous attirent vers le bien, qui nous aident à grandir dans notre capacité à aimer en vérité. Tels sont les saints, connus et anonymes, que nous fêtons aujourd’hui.
Et pour décrire ce chemin de sainteté, auquel, tous, nous sommes appelés, je me risque à ajouter une béatitude à celles de l’évangile de ce jour :
Heureux celles et ceux qui sont prêts à se donner, par amour, jour après jour ; il leur sera ouvert les portes du Royaume.