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33ème Dimanche du To C

Fr Bernard Senelle op

Lc 21, 5-19

Le Temple était beau et constituait un lieu de rencontre avec le divin et voilà que Jésus qui avait déjà prédit la chute de Jérusalem annonce ici sa disparition : « il n’en restera pas pierre sur pierre. » Pensons à l’effet d’une telle prophétie à propos de notre Dame de Paris, pensons à notre Église meurtrie par les affaires toutes plus scandaleuses les unes que les autres, pensons à la guerre qui de nouveau fait rage en Europe. Et écoutons Charles de Foucauld dans son dictionnaire Touareg à propos d‘un mot : « Loubbed » qui signifie « être anéanti », s’anéantir. Et il écrit : « Se dit du monde qui peut être détruit par Dieu en un instant, de la plupart des hommes qui ont été anéantis par le déluge, de moissons anéanties par une inondation, de maisons, de forêts, de récoltes anéanties par un incendie, de pâturages anéantis par des sauterelles, de villes, de villages, de culture anéantis par l’ennemi. » Nous y sommes, c’est notre actualité, c’est le film de nos vies qui défile sous nos yeux et on peut y ajouter tous les drames de nos vies personnelles.
Mais que veut donc nous dire Jésus ? Où est la bonne nouvelle ? D’abord qu’avec la fin du Temple, c’est la fin des sacrifices sanglants et puis que « l’heure vient- et c’est maintenant- où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité ». Il vaut pointer le sens de tout cela. Seul restera en fait la capacité d’aimer et d’espérer.
Le monde que nous connaissons, ces lieux et ces sites que nous nous aimons et cherchons à préserver et à sauvegarder semblent appeler à disparaître. C’est un horizon un peu sombre qui fait bon marché de notre espérance. Peut-être, me direz-vous, vaut-il mieux de fait que certaines réalités trompeuses soient englouties dans les ténèbres et que le Jour qui vient les consume. « Le soleil de justice se lèvera », nous dit le prophète. Mais le reste, l’immensité de la beauté et de la grandeur du monde et de l’humanité ne peut tout de même pas être voué à la destruction ! Nous avons travaillé à construire et à préserver la Création de Dieu et c’est une promesse de vie qui nous est faite si nous allons au bout, si nous persévérons.
Car enfin, rien n’est plus contraire à l’Évangile que l’annonce de la guerre, rien n’est plus conforme à son Royaume que la paix. Nous sommes en plein paradoxe évangélique. Jésus demande d’aimer tout le monde, de ne pas rendre le mal pour le mal. Il proclame heureux les artisans de paix, il dit au soir de la résurrection : « La paix soit avec vous » Et les disciples s’engagent en faveur de la paix.
Et pourtant l’Évangile, chaque année nous rappelle que d’une façon ou d’une autre, nous n’échapperons pas à la destruction finale. Et Jésus annonce aussi le glaive au lieu de la paix. De même, il guérit les malades, ressuscite les morts et, au bout du compte, personne n’échappe à la mort.
Rappelons-nous l’Écriture qui nous dit que nous réfléchissons comme en un miroir la gloire du Seigneur. Notre vie, notre monde, ces sites et ces monuments sont un peu comme une photo qui nous permet d’attendre le retour du Roi de gloire à la fin des temps. Quand nous possédons une photographie d’un être aimé, s’il vient, on range la photo. Ce qui importe c’est la personne qui surgit mais la photo n’était pas inutile. Tel est notre monde.
Tout ce que nous vivons et construisons ici-bas est nécessaire, ne durera pas mais l’amour ne passera jamais. Nos cathédrales, nos églises et nos temples, passeront mais tout sera transformé en demeure spirituelle dans les cieux. Même l’eucharistie, le sacrement que l’on présente comme le sommet de la vie chrétienne est un sacrement provisoire. Mais sa réalité est appelée à durer à jamais : l’amour est plus fort que la mort. C’est l’amour du Christ qui donne sa vie pour ceux qu’il aime.
Il nous reste à le mendier dans l’espérance, à aller le chercher de nuit tels Nicodème lorsqu’il va voir Jésus de nuit pour lui poser sa question. Et là encore le dictionnaire Touareg de saint Charles de Foucauld peut nous être utile et nous étonner. Edel signifie à la fois « espérer », en Dieu ou en une personne, et arriver chez quelqu’un, de nuit en général, que l’on soit attendu ou non.
Le monde est un peu sombre en ce moment, c’est peut-être aussi la nuit dans notre vie, mais Jean de la Croix, nous l’a rappelé : « C’est la nuit que brille les étoiles » Dans nos nuits, n’oublions pas de regarder ces astres, elles nous guident vers le bonheur et elles aussi reflètent la gloire du Roi de l’Univers qui s’approche.