Close

2ème Dimanche du To A

Père Julien Dupont (diocèse de Poitiers)

Jn 1. 29-34

 

Une expérience a été menée, il y a quelques jours, par un confrère prêtre. Proposer à une Intelligence Artificielle (IA) d’écrire une homélie pour l’Épiphanie. Ô surprise, celle-ci fut écrite par l’ordinateur sans erreur théologique ! Les termes employés étaient ajustés. Est-ce la fin des prédicateurs dans les monastères ? Des professeurs dans les universités ? Des médecins qui soignent ? Je ne le crois pas.

Jean-le-Baptiste a un juste propos : il qualifie Jésus d’Agneau de Dieu et de Fils de Dieu. Deux qualificatifs théologiques pour évoquer la figure de l’Agneau Pascal, du serviteur souffrant et de la descendance royale de David (cf. Is 42, 1-4 et Is 52-53). Il dit vrai… alors qu’il insiste, à deux reprises pour affirmer : « Je ne le connaissais pas » (Jn 1, 31.33). Étrange allusion alors qu’ils sont proches cousins ! Comment donc, s’il ne le connaît pas, peut-il certifier avec autant de justesse de titres messianiques pour Jésus ? Est-il comme cette Intelligence Artificielle qui ne connaît personne mais sait qualifier chacun ?

La « connaissance » dont parle Jean-Baptiste envers Jésus n’a rien à voir avec un savoir particulier. La traduction dans la Bible de Chouraqui est d’ailleurs très éclairante à ce sujet, car la phrase est ainsi traduite : « Moi, je ne pénétrais pas ce qu’il est ». Autrement dit, personne ne sait tout d’un autre. Nous avons tous à découvrir qui est son mari, sa femme, sa sœur de communauté ou son proche cousin. Aucune Intelligence Artificielle ne pourra entrer dans l’intime de la conscience… sauf Dieu lui-même !

La première lecture de ce jour nous ouvre à cette confession de foi en témoignant que le Seigneur façonne dès le sein maternel (Is 49, 5). C’est lui seul qui, comme on le lit au livre de Jérémie « pénètre les cœurs et qui scrute les reins » (Jr 17, 10) ou, comme l’explicite la traduction contemporaine du psaume 138 donnée récemment aux responsables de ma paroisse : « Tu vois tout de moi. Tu vois mes os plus facilement qu’un radiologue, Tu me voyais dans le ventre de ma mère mieux qu’un gynécologue, et aucun psychologue n’approchera mes pensées comme toi ».

Oui, Dieu est Celui qui façonne, qui connaît jusqu’à l’intime de nous-même… Mais nous, nous avons tendance à enfermer l’autre dans un qualificatif, dans une histoire, dans une situation donnée. Seules nos relations avec les autres peuvent nous permettre de contrer cette attitude ordinaire et mécanique. Voilà pourquoi, dans ce récit, Jean-le-Baptiste affirme ne pas connaître Jésus, tout en ayant de justes propos à son endroit. Voilà pourquoi nous devons nous méfier des discours sans rencontres, des a priori sans approfondissements, des témoignages sans pondération.

À cet égard, le témoignage que nous offre Jean-le-Baptiste est éloquent : il invite à croire ! Comme l’a été, sans doute, le témoignage de tel ou tel qui nous a conduits à la foi. À ce sujet, je nous propose, dans les jours à venir, à rendre grâce pour celles et ceux qui, comme Jean-le-Baptiste, nous ont conduits au Christ. Dès lors que nous avons été conduits au Christ-Jésus, c’est à nous-même qu’il revient d’entrer dans cette relation et de l’entretenir. J’insiste ici : aucune Intelligence Artificielle n’aura à confesser, grâce au souffle de l’Esprit, Celui qui se manifeste à nous-même. Il est Celui qui prend l’initiative d’aller rencontrer Jean-Baptiste, comme il est venu à notre rencontre : vivons de cette relation unique, et apprenons toujours plus à le découvrir, c’est-à-dire à le connaître ! Amen.