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17ème Dimanche du To A

Fr M Allard op

Mt 13, 44-46

Vous avez été jeunes ? Vous êtes « encore » jeunes ou vous vous sentez ou croyez tel? Vous ne vous en souvenez plus ? Vous êtes jeunes ?… Je l’ai été et le serai, tout comme vous !
Peu importe, de fait. Rappelez-vous, on nous demande de délibérer et de discerner à qui mieux mieux : quelle carrière, s’il faut encore penser dans ces termes ? Quelles options ou styles de vie faire sien ? Où vivre ? Avec qui partager sa vie ? Quel homme ? Quelle femme ? Récemment, pour le meilleur et pour le pire, il semblerait qu’il faille aussi très tôt choisir son identité ou à tout le moins en signaler une pour un temps…
Il y a des choix importants à faire, des choix qui comptent, qui engagent, soi-même et parfois quelques autres. Et pour cela il faudrait être attentifs à soi, à ses désirs, aux possibilités quasi infinies qui se présentent ou pourraient le faire….
Puis, nous vieillissons, un peu. Nous avons eu, nous avons, nous aurons charge d’âmes (comme on aurait dit jadis). Nous avons eu et nous aurons à faire des choix pour autrui, pour ouvrir des voies, pour protéger, pour encourager. Nous l’avons fait et nous le ferons à leur place, en leur faveur ou avec eux… encore une fois, peu importe ici. Nous choisissons, délibérons, discernons, départageons… Nous sommes et sommes sommés d’être attentifs à ces personnes, aux circonstances.
Lorsque nous étions jeunes, nous nous disions, souvent, qu’il était trop tôt pour choisir, que nous ne savions pas comment porter attention au monde, que nous ne savions pas comment le faire, en vue de quoi le faire et le vivre ou, encore, que tout était encore trop flou dans nos têtes, en nos cœurs, mal compris, mal digérés ou pas encore digérés du tout… Les repères manquent ou nous ne parvenons pas à les comprendre. Les balises qui nous sont proposées ne sont pas fiables, il y a trop de possibilités… Nous aurions aimé… nous aimerions avoir plus de temps parce qu’à travers tout cela il est question de bien et de mal, de justice et d’injustice et que ces questions nous taraudent.
Et le temps manque. L’urgence prime. Il faut trier, organiser, ordonner, structurer, orienter, partager. Il faut aussi contribuer à ce que d’autres puissent le faire aussi bien que possible ou aussi moins mal que possible. Il faut s’engager, opter, choisir, élire, foncer, être attentifs à une foule de conditions, à des situations complexes, à bien des aspects de la vie – la nôtre, celle des nôtres – que nous ne maîtrisons pas…
Puis, comble de malheur, ce n’est pas tous les jours que dans un champ quelconque, le champ d’un voisin, d’un inconnu, on trouve un trésor qu’on cherchait tout de même un peu… s’il a fallu le déterrer puis l’enterrer de nouveau. Ce n’est pas tous les jours que ce voisin ou cet inconnu acceptera de vendre le terrain pour que le reste de notre vie soit assuré, stabilisé, orienté une fois pour toutes.
Ce n’est pas tous les jours, non plus, qu’une fois lancés dans la vie, avec une orientation choisie – être négociant en perles fines – que nous trouverons LA perle rare, celle de grande valeur, LA perle qui nous fait nous décider à tout vendre pour l’acquérir. Mais si cela arrivait… lorsque cela arrivera, ce serait tellement satisfaisant.
Dans ce contexte, ce dimanche, la Parole de Dieu résonne, tente de se faire entendre. Elle suggère deux postures ancrées dans une foi profonde : « Dieu lui-même fait tout contribuer » à notre bien et à celui de sa création… car il a un « dessein d’amour », il l’a voulu une fois pour toutes.
La première posture est celle de Salomon, le jeune, le très jeune, le trop jeune roi sur qui tombe la responsabilité d’un royaume. Il se tourne vers Dieu non pas pour demander des solutions, des réponses quant à ce qui doit être fait. Il ne demande pas les marques du pouvoir. Il mendie des capacités, des aptitudes pour être attentif à ce qui a lieu, à décider, trier, gouverner, prendre soin, régir, partager. Pas fou, ce jeune roi : il voit déjà assez clair en lui-même et a assez de confiance pour se présenter devant Dieu tout en entrevoyant les aptitudes et dispositions requises pour régner. Cela ne va pas de soi…nous le pressentons bien si nous sommes vrais avec nous-mêmes. Ce Salomon deviendra sage. En tous les cas, il en suggère déjà les signes. Dieu lui-même le reconnaît. Et si nous tentions de nous disposer de la sorte devant Dieu?
La seconde posture est plus subtile. Elle aussi requiert de la finesse, de la prudence, la capacité à délibérer, à se désempêtrer dans les filets de la vie personnelle, sociale, politique, religieuse, ecclésiale. Elle demande beaucoup d’attention. Elle demande un « cœur attentif ». Car, pour vivre ensemble, au-delà d’un certain nombre – et même déjà avec un petit nombre – il importe pour le respect de chacun et pour le groupe que des tris aient lieu, que des structures soient mises en place, que de l’ordre soit décrété. Or nos tentations sont telles que parce que nous avons peiné à arriver à les mettre en place, nous voulons qu’elles durent. Nous les durcissons et nous nous empressons d’oublier qui a été marginalisé, exclu, expulsé dans le processus. La Parole de Dieu est là pour nous rappeler l’importance de la fluidité, de la plasticité, du caractère provisoire de ce que nous mettons en place. Le tri final ne nous appartient pas ! Il appartiendra à Dieu et à ses anges !
La vie de Jésus, son ministère, sont attention aux petits nous rappelle l’importance de nous engager à être attentifs aux personnes que des choix antérieurs ont exclues, qui sont opprimés par nos structures maintenant. La vie, les actes et ce qui a conduit Jésus à la mort nous incite à la prudence, au discernement pour revoir ces modèles, les changer, les rejeter pour remettre sur le métier du tri prudent… En cela, nous nous laissons conformer au Christ, nous imitons Dieu qui a, lui, fait son choix pour que le Christ, Jésus, son Fils, soit le « premier-né d’une multitude de frères » et de sœurs.
Rassemblés, ce matin, l’Esprit du Christ ressuscité nous fait trouver dans l’Évangile le trésor de vie ! Engagés à en vive depuis notre baptême, rendons grâce à Dieu ! Ce me semble une bonne chose. J’imagine qu’après un petit temps de discernement, vous serez d’accord avec moi. Je l’espère en tous les cas. Avec prudence, choisissons de célébrer l’Eucharistie!