Solennité de l’Épiphanie 2024
Fr Gabriel Meunier op
Mt 2, 1-12
Dans les contes, nous voyons souvent au-dessus du berceau, des fées. Elles viennent donner un don à l’enfant chéri : la beauté, la grâce, l’intelligence… Tant de présents pour la princesse de notre conte. Cet évènement annonce la grande destinée de ce personnage. Des fées sont venues.
Dans l’évangile, des mages offrent trois présents à notre enfant-Dieu. L’évangile concentre toute sa force narrative pour ce moment. Il raconte la longue route des mages en une phrase « des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem », mais il y a une accumulation d’action pour le moment des offrandes : ils se réjouirent, ils entrèrent, ils virent, tombant, prosternèrent, ouvrirent et enfin offrirent. Alors oui, ils offrent à Jésus trois présents : de l’or, de l’encens, et de la myrrhe. « Les mages l’ont ainsi confessé roi par l’or, Dieu par l’encens, homme par la myrrhe » disait Saint Bernard. Dans nos contes, le présent des fées est absolument décisif pour l’ensemble de l’histoire. Ici aussi, le Christ se manifeste non pas sous deux aspects comme dans le Credo « vrai Dieu et vrai homme » mais sous trois aspects : Roi, Dieu, et Homme.
La royauté du Christ est reconnue par les mages dès sa naissance. Ces savants devaient avoir appris la généalogie de sa famille. Il descend de la lignée du Roi David. L’or est un cadeau qui convient au prince héritier. L’or peut aussi signifier la sagesse. Le Christ est le Verbe fait chair, la sagesse en notre monde. « Choisissez mes leçons [dit le Seigneur] et non pas l’argent, la connaissance plutôt que l’or fin. »( Pr 8, 10) La Sagesse de Dieu surpasse toutes nos sagesses humaines, et cet or que les mages offrent peut être vu comme le dépôt de notre sagesse humaine devant la Sagesse divine. Nous reconnaissons l’exactitude de tes voies Seigneur.
Les mages offrent aussi de l’encens. L’encens est dans les cultes antiques une offrande habituelle pour la divinité. Aussi, notre enfant est à la fois, vrai Dieu, et vrai homme. Il convient donc d’honorer la majesté divine en sa personne et son humanité. L’encens est une résine que l’on récupère en entaillant l’écorce de l’arbre. Une sorte de sirop d’érable oriental. Des petites billes vont se cristalliser, et ensuite, on les récupère pour les faire brûler. L’encens s’élève, il est à la fois visible tout en étant difficilement préhensible. Cet encens est comme notre prière. Il monte vers le Père. Il est fragile, et le moindre souffle l’emporte. Cependant, il est offert, il est donné. Ma prière est offerte au Seigneur, toute entière donnée, jamais gardée.
Le troisième présent est la myrrhe. La myrrhe provient aussi d’un arbre. Cependant, nul besoin d’y faire une entaille, l’arbre exsude tout seul sa sève, et il est aisé de récupérer la myrrhe. Elle servait autrefois à de nombreux remèdes. Ce n’est pas seulement l’homme que manifeste ce présent, c’est l’homme qui s’apprête à souffrir. Jésus aussi se présentera sur l’arbre de la Croix et il déversera des flots de sang et d’eau pour appliquer un baume encore plus précieux que la myrrhe, la réconciliation de l’humanité avec Dieu.
Trois mages, trois présents, trois mystères : la royauté, la divinité, l’humanité. Cette trilogie est-elle unique ? Saint Bernard vous proposerait d’y répondre avec la trilogie volonté, intelligence, et corps. Nous pourrions chercher une image de la Trinité. La bible n’est pas en reste de proposition. Dans l’apocalypse, le Seigneur dit : « je te le conseille : achète chez moi, pour t’enrichir, de l’or purifié au feu, des vêtements blancs pour te couvrir et ne pas laisser paraître la honte de ta nudité, un remède pour l’appliquer sur tes yeux afin que tu voies » (Ap 3, 18). Nous avons une triple misère à présenter au roi de gloire. Nous sommes mendiants de sa grâce, de son amour. Il nous faut acheter cet or purifié au feu. Le vêtement blanc vient couvrir notre nudité, le Seigneur voit et connaît mes misères, mes péchés. Ce vêtement, c’est son pardon. La troisième misère est le fait d’être aveugle, nous ne voyons bien qu’avec la foi que Dieu nous donne comme remède. Mendiant, nu et aveugle, nous venons nous prosterner devant le Roi de la paix.
Cependant, les mages l’ont bien compris, le vrai trésor n’est pas leur coffret, il est dans la mangeoire. C’est ce petit enfant. Il vient pour sauver ceux qui étaient perdus. L’hommage de nos héros est le signe de l’universalité du salut du Christ. Les nations ont part à l’héritage de la vie éternelle.
Alors, avec notre triple misère, demandons à celui qui est le trois fois saint, de venir combler nos vallées. Que sa lumière vienne chasser nos ténèbres. Que cette fête apporte la paix aux peuples. Que son amour vienne remplir nos cœurs. Saint, Saint Saint, le Seigneur, Dieu de l’Univers.