3ème Dimanche de l'Avent C
P Michel Mounier
Lc 3. 10-18
Le prophète Sophonie, la cantique d’Isaïe et Paul appellent à la joie. Appel paradoxal dans le monde d’alors et dans celui d’aujourd’hui, un monde où l’homme opprime l’homme, dévasté par les guerres et où, de toutes façon, la mort a le dernier mot. Mais si l’Écriture invite à la joie avec tant d’insistance, c’est qu’elle ne va pas de soi. C’est une joie au-delà des apparences et surtout des réalités vécues. Elle naît de la foi et se tient au plus profond de nous sous l’agitation de nos angoisses et de nos peurs. Une sorte de certitude malgré tout. Ne crains pas, dit Sophonie. De fait la peur est le contraire de la foi, de la confiance en cet Autre qui nous fait être et qui veut que nous soyons.
Paul donne des synonymes à cette joie extrêmement discrète : sérénité, absence d’inquiétude, paix de Dieu. Sans doute, le Christ a-t-il connu cette joie-là, même à Gethsémani. C’est celle dont témoignent aussi les déportés qui ne regrettent rien de leur choix, dans les souffrances les plus extrêmes. C’est dans cette certitude profonde, au-delà de son angoisse, que Jésus confie sa vie à Dieu son Père.
Quand Sophonie écrit, la foi en la résurrection n’a pas émergé en Israël. Lorsqu’il dit : « Le Seigneur est en toi », cela concerne non chaque personne mais le peuple, Israël. Dieu est en Israël malgré les catastrophes, les divisons, les disettes, les infidélités, les exils. Mais le peuple peut-il vraiment apaiser ses peurs si chacun de ses membres ou un seul de ses membres reste dans l’angoisse.
Paul lui s’adresse à des individus. La joie collective ne peut être parfaite tant qu’un seul homme reste dans la tristesse, dans la pauvreté extrême. Comment dire à celui-là : « Le Seigneur est en toi » ou « Le Seigneur est proche ». Comment, sinon en étant nous-mêmes avec lui car la présence de Dieu passe par des hommes.
Là où se trouve l’amour, là se trouve Dieu. Il n’est pas besoin pour cela de paroles pieuses si souvent maladroites et impossibles à entendre. Il suffit, si l’on peut dire, de ne pas déserter la détresse de celui ou de celle avec qui, pour Dieu, nous ne faisons qu’un. « Le Seigneur est en toi » se vérifie pour chacun de nous quand nous nous faisons proches « du plus petit d’entre les miens » comme le dit l’évangile de Matthieu.
Jean-Baptiste serait-il en retard sur Sophonie. Il annonce la venue de Dieu alors que le prophète annonce qu’il est déjà là. Les deux sont vrais car la présence de Dieu aux hommes se renouvelle à chaque génération qui doit en prendre conscience pour son propre compte. De plus, chacun de nous est en deçà d’une venue ultérieure du Christ. Il ne peut nous investir qu’au rythme de l’accueil que lui fait notre liberté. Jamais il ne s’impose. C’est dire que notre création est en route, que nous ne sommes pas encore selon l’image de Dieu qui est le Christ lui-même. Pourtant nous ne pouvons songer à nous conformer au Christ à la force du poignet, à coup de volonté et de bonne résolutions. Il nous faut lâcher prise, le laisser venir, déjà dans la joie que donne la certitude de sa venue. Il est là, déjà, habitant notre attente. « Pousse des cris de joie, éclate en ovations, réjouis-toi. »