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Sainte Famille 2024 C

Père Jean-Louis Vincent

Lc 2, 41-52

Dans cet octave qui prolonge la célébration de Noël, ce dimanche nous invite à contempler et fêter la Sainte Famille que forment Marie, Joseph et l’enfant Jésus. Oserais-je dire que cette famille, comme celle dont nous parle la première lecture ne sont pas très catholiques ? Bien-sûr, puisque ce sont des familles juives. Mais correspondent-elles à la famille telle que l’espère Dieu depuis la création du monde ? Anne est l’une des deux épouses de son mari et elle ne s’entend pas bien avec l’autre. Le couple de Joseph et Marie ne remplit pas toutes les conditions nécessaires pour recevoir le sacrement de mariage. Alors en quel sens la famille qui a accueilli Jésus peut-elle être dite sainte et être un appel pour les familles d’aujourd’hui ? L’évangile de ce jour peut nous proposer un chemin.

Cette page de Luc conclut la partie de son évangile qui concerne en particulier l’enfance de Jésus. Sans doute ses disciples avaient-ils peu d’information sur les premières années de cette vie et Marc n’en parle pas du tout. Luc choisit de raconter les événements qui ponctuaient la vie d’un garçon nouveau-né dans toute famille juive fidèle après la naissance du premier garçon : , la circoncision, la présentation au Temple et le premier pèlerinage de l’enfant après sa Bar Mitzvah qui marquait l’accession du garçon à l’âge adulte de sa foi juive. Et chacune de ces étapes permet à Luc de présenter un aspect du mystère et de la mission de Jésus. Nous entendons la dernière.

Jésus est tenu désormais de pratiquer la Loi de Moïse et donc les trois pèlerinages annuels au Temple de Jérusalem. Celui-ci sera sa deuxième venue au Temple où il choisit de rester après le départ de ses parents vers Nazareth. Ils le retrouvent « dans le Temple, assis au milieu des docteurs de la Loi : il les écoutait et leur posait des questions, et tous ceux qui l’entendaient s’extasiaient sur son intelligence et sur ses réponses » La formulation de Luc est étonnante. Il nous dit que Jésus écoute et pose des questions puis il parle de l’étonnement de ses auditeurs devant ses réponses. Jésus commence à dialoguer, comme il le fera plus tard, avec les spécialistes de la Loi et déjà ses paroles les déroutent.

Mais l’essentiel de ce que nous révèle Luc se trouve dans la réponse de Jésus à sa mère qui lui reproche la peine qu’il leur a faite : « Comment se fait-il que vous m’ayez cherché ? Ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ? » Dans le Temple de Jérusalem, Jésus est chez lui, auprès de son Père. L’enfant que l’ange avait annoncé aux bergers comme « un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur. » est bien le Fils de Dieu venu en notre chair. Le Temple, la demeure de Dieu auprès de son Peuple, est donc la maison où Jésus est chez lui. Il n’est pas étonnant que ses parents n’aient pas compris ce que voulait dire Jésus. Ce n’est qu’au-delà de Pâques et de la Pentecôte que les disciples, et sans doute Marie elle-même, pourront entrevoir qui est Jésus, le Christ. Mais Luc, au terme de ce chapitre de son évangile, nous révèle déjà cet aspect du mystère de Jésus, fils de Marie mais aussi et depuis toujours Fils de Dieu.

Mais Luc prend soin de préciser que Jésus n’abandonne pas ses parents. Il revient avec eux à Nazareth et continuera auprès d’eux sa croissance. Il faudra encore un vingtaine d’année avant qu’il commence son ministère public.

Marie et Joseph auront alors accompli leur mission de parents. Ils ont assuré l’éducation de leur fils, tant au plan humain qu’au plan religieux. Ils lui ont fait découvrir la tradition de son Peuple, La Loi et les prophètes. Ils lui ont appris la prière et la participation au culte de la synagogue. Ils n’avaient pas tout découvert du mystère de leur enfant ni du projet de Dieu pour lui. Mais ils ont été fidèles à leur mission et ils l’ont remplie avec amour.

N’est-ce pas en cela que la famille de Jésus peut être dire sainte ? Toutes les familles ont la même responsabilité envers les enfants qu’elles mettent au monde. Les parents ne savent pas tout du mystère ni de la mission de ceux qu’ils mettent au monde. Mais ils ont la charge de les faire grandir dans leur humanité et dans leur relation avec Dieu. Ils doivent leur donner la force et la liberté d’aller où la vie les appelle. Marie, comme Anne, laisseront leur enfant partir pour se consacrer totalement au service du Seigneur. Toute la mission des parents, quelle que soit la forme de leur famille, quel que soit le choix de leur enfants devenus adultes est aussi de les laisser partir.

Si la famille de Jésus est sainte, c’est sans doute parce qu’elle permet à chacun de ses membres de laisser librement sa vie s’ajuster à la volonté de Dieu pour servir la croissance du Royaume. Prions pour toutes les familles. Qu’elles soient, pour chacun de leur membres un espace d’amour, de sécurité, de respect mutuel et de paix où peuvent se révéler la vocation de chacun et la liberté de la réaliser au service du monde dans lequel il vit.