Épiphanie 2025
Fr Michel Fontaine op
Mt 2. 1-12
La Parole depuis plusieurs jours nous rappelle d’une manière ou d’une autre, l’accueil de l’Enfant. C’est l’humilité de Dieu. C’était la nuit à Bethléem. Aujourd’hui, un autre accueil, et un message qui s’approfondit. C’est celui des mages venus reconnaître l’Enfant et l’honorer comme « Roi ».
Avec les mages, c’est l’ouverture du local aux réalités du monde et à celles de son Salut. Avec les mages, c’est le monde sauvé reconnu dans sa diversité. Avec les mages, c’est aussi l’humilité de Dieu qui inverse nos catégories sociales…
Comment prendre vraiment conscience d’un tel évènement et en vivre ?
Je vous invite dans un premier temps à suivre l’étoile qui nous fait signe et dans un deuxième temps à approfondir l’image de la crèche.
Les mages disent avoir vu l’étoile de l’Enfant…C’est vrai. Pourquoi douter. C’est le Temps de la manifestation de Dieu (Théophanie), le Temps où vient se révéler, s’accomplir au cœur de notre humanité le Don gratuit de Dieu. Ce Don est fait à chacune et chacun d’entre nous. L’étoile en est le signe.
C’est le sens profond de ce que nous célébrons maintenant : Dieu nous fait un signe et nous indique un chemin. Il ne cesse de nous parler à sa manière et le signe en est un, comme le buisson ardent (Ex 3, 1-12) où Moïse « doit faire un détour pour voir cet étrange spectacle…». C’est dans ce détour que Moïse a réalisé sa vocation. Dieu surprend. Dieu est dans l’imprévu mais ici, il donne un signe déjà pressenti dans l’Ecriture.
Nous ne sommes ni Moïse ni des mages mais Dieu continue à nous faire des signes dans notre quotidien. Ici avec les mages, le signe concerne la Promesse et les mages en deviennent les messagers comme les bergers la nuit de Noël : Dieu est venu dans le monde pour permettre aux hommes de devenir ce qu’ils sont depuis l’origine : « lumière », en leur donnant la capacité de devenir « enfant de Dieu ».
Est-ce nouveau ? Oui, totalement nouveau et en même temps, ce que nous entendons de l’évangéliste Matthieu est déjà annoncé par la vision du prophète Isaïe dans notre première lecture : « Debout Jérusalem ! Resplendis/Deviens lumière : (…) Des foules de chameaux t’envahiront. (…) Tous les gens de Saba viendront apportant l’or, l’encens… ».
Mais aussi d’une manière plus simple et plus sobre, Paul dans sa lettre aux Ephésiens exprime la même réalité : tous les hommes quel qu’ils soient, partagent le même héritage, celui de devenir « enfants de Dieu ».
Il y a là, une réalité fondamentale, quelque chose de cosmique qui nous dépasse et qui pourtant vient nous rejoindre dans le plus secret et le plus quotidien de nos existences. Cette annonce, cette révélation n’est pas déconnectée de notre réalité. Elle s’inscrit au cœur de nos différences quelles qu’elles soient. L’actualité nous montre le contraire et pourtant cela se réalise dans la discrétion et l’humilité. Dieu est patient.
Après le signe de l’étoile, je vous invite à approfondir l’image de la crèche pour en comprendre toute la signification. C’est se laisser saisir par l’expérience de la Rencontre avec l’Enfant.
Il nous faut rejoindre le récit de la visite des mages. Ce récit nous ouvre un chemin, celui de réveiller en nous une joie profonde, celle de la grâce du Salut qui nous habite. Cette grâce du Salut nous rappelle au quotidien la puissance de l’amour et du pardon. Seule cette puissance résistera à toutes les forces du mal.
Que nous dit ce récit ?
Qui sont ces mages ? Ces hommes venus d’ailleurs, astronomes, savants, autrement dit des hommes comme aujourd’hui qui cherchent à approfondir une promesse dont ils ont eu connaissance. L’Ecriture nous laisse entendre que c’était des hommes lettrés. Une référence dans le livre des Nombres (24,17 : « …un astre issu de Jacob devient chef…issu d’Israël…se lèvera) à laquelle ces hommes ont eu peut-être accès. Nous n’avons pas d’indications précises sur ce qui les a mis en mouvement. Il n’empêche qu’ils se sont mis en route. Ils ne se contentent pas des idées toutes faîtes et sécurisantes. Mais, ils sont attentifs, capables de percevoir les signes de Dieu et d’entendre son langage discret et insistant. J’imagine mystérieusement que ces hommes poussés par l’Esprit-Saint, entendent en eux-mêmes cette Parole « avancez au large…N’ayez pas peur… ». Jésus nous le redira quelques années plus tard. Ces hommes prennent un risque. Ils sont courageux et savent aussi être humbles : Ils acceptent les moqueries, les incompréhensions qu’ils ont dû vivre sur leur chemin. Ils avancent sur une route difficile, fatigante et apprennent progressivement à ne garder que l’essentiel : la puissance du signe pour Rencontrer l’Enfant.
Que nous apprennent-ils ?
Il reste en relation avec le signe (L’étoile) qui va leur permettre de passer du signe à la reconnaissance de Celui qu’ils cherchent. Cela nous parle et nous invite à réfléchir à notre chemin de foi : Savons-nous passer des signes que Dieu nous faits, à la reconnaissance de Sa présence dans nos vies ?
Là, en fait était la finalité de leur cheminement extérieur et intérieur. « Lorsqu’ils virent l’étoile…ils virent l’enfant ». Le signe s’efface devant « le plus petit des enfants des hommes ». La Rencontre s’est faite et la Présence est acquise. La crèche devient un lieu spirituel de la Rencontre et de l’Humilité, c’est-à-dire révèle la vocation humaine à reconnaître son Créateur et à réaliser une authentique relation avec Lui.
« …Avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin ». Un autre signe, celui du songe, qui accompagne la mission de ces hommes, tel un chemin de conversion pour proclamer au loin ce qu’ils ont vu…Alors, on pourrait croire que la quête s’arrête aux pieds de l’Enfant et que le merveilleux se limite à des cadeaux: « Ils lui présentèrent des offrandes : de l’or, de l’encens et de la myrrhe. » Il n’en est rien.
Non. Dieu vient au plus profond de leur humanité parce qu’il sait combien elle est blessée depuis l’origine. La reconnaissance est là. Dieu vient porter nos aspérités, nos contradictions, nos doutes, nos erreurs, nos fragilités parce qu’il est l’Amour et qu’il accomplit sa promesse pour le monde. Les mages nous rendent conscients de cela.
L’Évangile aujourd’hui dans ce Temps de Noël vient nous rappeler l’importance des signes de Dieu dans notre vie pour nous aider à s’ouvrir à cette Reconnaissance et cette Rencontre de Celui qui nous attend comme un Père.
C’est la Bonne Nouvelle de la Nativité qui ne cesse de nous accompagner pour nous faire avancer, pour nous mettre debout, malgré les épreuves et grandir dans notre vie de foi et en témoigner.