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3ème Dimanche de Carême C

P Michel Mounier

Lc 13. 1-9

L’exégète protestant Thomas Römer écrit sans un livre récent : « L’opposition très répandue dans le christianisme entre Ancien et Nouveau Testament participe à un antijudaïsme aussi virulent qu’il circule à bas bruit. De nombreux chrétiens considèrent que ce qu’ils appellent l’Ancien Testament est bel et bien obsolète et ne les concerne que de très loin. »

Comment n’être concerné que de très loin par ce bijou, ce monument qu’est le récit du livre de l’Exode que nous avons entendu ? Ce récit, souvent appelé récit du Buisson ardent, est peut-être le plus important de toute la Bible. C’est un pas de géant dans la Révélation faite à Israël et à toute l’humanité : le Dieu tout autre, inaccessible, inquiétant parfois est en même temps le Dieu tout proche qui voit et entend les souffrances des hommes. Plus que cela, il intervient pour les libérer.

La Bonne Nouvelle de ce récit me semble-t-il est tripe.

La première est donc que Dieu se donne à rencontrer. « L’ange du Seigneur lui apparut dans la flamme d’un buisson en feu. » Ange du Seigneur est une manière pudique de parler de Dieu lui-même, de tenir ensemble la proximité et la distance. Un jour, un jour viendra où Dieu ira à l’extrême de cette proximité en Jésus, le Fils, vrai Dieu et vrai homme. Aujourd’hui encore, longtemps après le concile de Nicée dont nous allons célébrer le 1700e anniversaire, le mystère nous dépasse toujours : Dieu est devenu l’un d’entre nous. Tout à l’heure, en mettant un peu d’eau dans le vin, je prierai : puissions-nous être unis à la divinité de celui qui a pris notre humanité. Unis à la divinité de celui qui a pris notre humanité.

Ce Dieu là, tout proche, a déjà une histoire avec nous : Je suis le Dieu de ton père, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob.

Dieu sait pourtant qu’ils n’étaient pas parfaits ces trois là et pourtant Dieu a fait alliance avec eux. Dieu de la promesse et de la fidélité.

J’ai vu, oui j’ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte. C’est la seconde Bonne Nouvelle. Pour la première fois l’humanité découvrait qu’elle était aimée de Dieu au point qu’il voit, qu’il entend, qu’il connaît nos souffrances. Seul le peuple élu pouvait accéder à cette découverte parce que personne au monde n’y a pensé tout seul. Il a fallu l’initiative de Dieu, la Révélation. C’est sur ce socle inébranlable que s’est construite la foi d’Israël et donc la nôtre.

Ce Dieu ne connaît pas seulement nos souffrances. « Je suis descendu pour te libérer. » Il est le Dieu de la liberté, de la libération.

Un tel Dieu enfin, et c’est la troisième Bonne Nouvelle, pourrait être déresponsabilisant. Te es venu nous libérer ! Très bien, libère-nous ! Et bien non. Parce qu’il nous a créé par amour, libres, gérants de la création, il compte sur nous. Il ne peut rien sans nous. Il nous confie une mission : « Va, je t’envoie chez Pharaon, tu feras sortir d’Égypte mon peuple, les fils d’Israël. » Par l’Écriture, cette parole est adressée à nous aujourd’hui par Dieu. Les pharaons ne manquent pas . Les affronter sollicite à la fois notre volonté et notre intelligence.

Dans sa dernière lettre aux évêques des USA, réagissant aux déclarations du vice-président sur les migrants, le pape François rappelait sa lecture de la parabole du Bon Samaritain : non pas qui est le plus proche de moi, mais de qui je me fais proche parce qu’il a besoin de moi.

Et en 2013 il écrivait : « l’Église se sent appelée à donner le témoignage humble mais concret et efficace de la charité qu’elle a reçue du Christ, bon samaritain. Nous savons que là où une personne souffre, là le Christ est présent ? Vraiment nous ne pouvons pas reculer devant les situations de grande souffrance. »

Je suis le Dieu de ton père, Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, de Jacob.

J’ai vu la misère de mon peuple.

Je suis descendu pour le libérer.

Va je t’envoie.