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Fête de la Transfiguration 2023

Fr Maxime Allard op

Mt 17, 1-9

Il vous est fort probablement déjà arrivé d’être plongé brusquement dans un lieu obscur. On n’y voit rien. Puis nos yeux, plus ou moins lentement, s’habituent. Nous ne sommes pas des félins mais, tout de même, nous finissons par discerner des contours, différentes nuances de gris sombres… On n’y voit guère mais suffisamment pour avancer, prudemment, encore un peu à tâtons, tout de même… On devient alors plus sensibles aux sons, bruits, voix…

Il vous est peut-être aussi arrivé de vous retrouver dans un lieu très sombre. Une lueur, faible vous attire. Est-ce une chandelle, la clarté d’une lampe dans un coin ? On perçoit comme un halo autour de cette lumière. Plus on s’éloigne de la source lumineuse, moins les choses sont visibles, colorées. Puis à un moment, au-delà d’une certaine distance de la source de lumière, tout redevient noir. Dans cette situation, encore, notre ouïe s’affine.

Il est aussi possible que nous soyons porteurs d’un petit lampion ou d’une lampe frontale. Nous sommes entourés, alors, comme précédés d’un peu de clarté dont l’horizon recule au fur et à mesure que nous avançons. Les choses apparaissent ou disparaissent selon le mouvement de notre lampion. Et ces mouvements, parfois, sont guidés par les sons perçus, les mouvements et frôlements sentis.

Une dernière possibilité, Le lieu est clair, très éclairé, brillant, éblouissant. Nous sommes dans la lumière. Tout est blanc, blanchi par la lumière. On n’y voit guère mieux. Restent alors les sons, les voix pour nous orienter. Mais ces sons et ces voix peuvent être, comme lorsque nous sommes dans le noir, des sources de peurs, le réveil d’angoisses ou d’inquiétudes.

Ces expériences, nous les avons vécues et nous en revivrons. Nous pouvons en témoigner. Lorsque d’autres nous partagent de telles expériences, nous les comprenons, nous entrons en résonnance avec leur récit, leurs émotions et ce qu’ils en retirent…

La Parole de Dieu aujourd’hui multiplie les lueurs, les clartés, les illuminations de divers types : il y a certes le récit de la transfiguration lui-même, fruit, nous dit Pierre, d’une expérience vive : brillance comme celle du soleil, blancheur ou nuée lumineuse. Il est aussi question de lampe brillante, d’étoile du matin (au lever du jour). On nous a parlé de feu ardent, d’éclairs qui illuminent le monde. Mais toutes ces expériences lumineuses ont lieu sur fond de nuit, de nuée sombres, de ténèbres, de mort.

Mais, me semble-t-il, étrangement, peut-être, le plus important n’est pas là. Autrement dit, je vous suggère de fermer les yeux sur cette pyrotechnique divine. Vous me direz : comment osez-vous ? Ne sommes-nous pas dimanche et célébrant la fête de la Transfiguration : il s’agit de la lumière de la résurrection, de la lumière pascale et du Christ Jésus révélé comme Fils de Dieu ? Bien sûr… mais attention. On ne voit pas la divinité. Les récits de Matthieu et de Pierre insistent : une voix proclame « Celui-ci est mon fils bien-aimé, en qui je mets toute ma joie ». Mais, si vous avez bien écouté leur parole, la voix ne dit pas contemplez ce Fils (d’ailleurs, la fulgurance de l’événement ne le permettrait pas). Elle ne dit pas : posez, fixez, votre regard sur lui. Désormais, dans les gestes de Jésus de Nazareth, elle n’incite pas à chercher une lueur de sa divinité. Même au matin ou au soir de Pâques, le Ressuscité n’apparaîtra pas si brillant. Il n’attirera pas l’attention sur lui. Il demandera à son tour de l’écouter et de faire écouter autrui la Nouvelle de sa résurrection. Il ne s’agit donc pas avant tout de voir, de fixer le regard. La voix proclame clairement: « Écoutez-le ». Autrement dit, soyez attentifs, attentives à sa Parole! Dans ce que vous entendez, dans les mots qui retentissent à vos oreilles, que votre cœur soit attentif à écouter la Parole même de Dieu, la divine Parole elle-même… Écoutez-la non comme un récit mythologique mais comme une parole prophétique. Fixez-y votre attention.

Frères et sœurs, vous et moi, nous n’avons pas été témoins de la Résurrection du Christ et encore moins de sa Transfiguration au mont Thabor. Nous sommes les témoins de la Parole de Dieu, témoins parce que nous avons écouté les récits apostoliques. Nous sommes témoins de ce qu’en Jésus Christ, sa vie, ses gestes, ses paroles, Dieu, fidèle aux promesses faites à son peuple, se révèle sauveur, miséricordieux, vivifiant, soucieux de ses enfants, de ses créatures ! Nous peinons peut-être à trouver les mots ou les gestes pour le dire et offrir à croire, mais nous sommes témoins tout de même, de ce que quelque chose de la lumière de la Transfiguration et de la Résurrection, nous animent depuis notre baptême !