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Solennité de St Dominique 2023

Fr Maxime Allard op

Mt 28. 16-20

Rendons grâce à Dieu car Dominique, notre saint père, n’a presque rien écrit ou s’il a écrit quelque chose, cela a aura été providentiellement perdu, égaré, oublié.

Rendons grâce à Dieu car, parmi les bribes écrites qui nous restent de lui, il y a un pourcentage élevé de « billets de réconciliation »!

Qu’est-ce à dire? Qu’est-ce que cela nous dit de Dominique? Il prêchait. Comme un guetteur, il tentait de déceler les moments et les lieux favorables à la prédication ! Il le faisait en s’appuyant grandement sur l’Évangile selon saint Matthieu et sur les lettres de Paul. Il intervenait certainement à temps et à contretemps. Il disputait aussi, c’est-à-dire, qu’il ne craignait pas les controverses et les questions pour faire briller la vérité et l’enseignement solide de l’Évangile de Dieu… et l’importance de vivre selon le mode de vie des communautés ecclésiales apostoliques. Tout cela est vrai, bien et beau. Cela peut encore nous encourager à l’imiter.

Mais, me semble-t-il, on oublie souvent pourquoi il a prêché seul ou presque pendant des années. S’il faisait tout cela, c’était pour réconcilier les femmes et les hommes de son temps avec Dieu, pour leur faire voir le véritable salut de Dieu, pour les faire vivre de la plénitude de la vie ecclésiale, pour calmer leur démangeaison d’entendre et de faire l’expérience de nouveau.

Prêcher cela, le faire en dénonçant et en encourageant, même patiemment, n’allait pas de soi dans les milieux qu’il fréquentait. L’Église, ses pratiques, la vie des hommes d’Église, étaient mises en question, suspectées, critiquées, rejetées. Pour plusieurs, l’Église était devenue le contre-exemple, le lieu de tous les scandales, de tous les abus. Hum, cela n’a guère changé, diraient certains. L’Église représentait l’anti-Évangile, à tort ou à raison. Plusieurs des personnes qui pensaient ainsi et que Dominique rencontraient n’étaient pas des hurluberlus, hédonistes ou épicuriens. Elles désiraient ardemment s’engager à fond, sur le long terme, sur une voie étroite difficile. Parfois leur quête était l’Évangile véritable, le désir de la vivre comme La Nouveauté toujours jeune de la vie de Dieu. Parfois leurs quêtes étaient configurées par des idées tordues mais qui attiraient. Ces idées pouvaient entraîner une déformation de l’image de Dieu dans l’humain rejetant l’incarnation et ses conséquences.

Peu importe les difficultés, Dominique prêchait. Il révélait la Parole de salut. Comme Dieu l’avait fait dans les temps anciens. Comme le Christ Jésus l’avait fait sur les routes de Galilée et de Palestine. Comme les apôtres et Paul entreprirent de le faire, poussés par l’Esprit du Ressuscité. Inlassablement, comme eux, il a fait retentir le cri pascal, il a invité au baptême. Il a tenu le coup. Il est resté fidèle à l’intuition de départ qu’il partageait avec son vieil évêque d’Osma puis avec celui de Toulouse : prêcher avec des moyens limités, pauvres, mimant partiellement, au passage, certains aspects justes des choix des personnes à qui il s’adressait. Il ne prêchait pas la vérité pour le plaisir de la vérité… Il ne l’assénait pas à coup de marteau. Son nom de famille n’était pas « Nietzsche » et il ne leur parlait pas depuis une forteresse, barricadé dans ses certitudes. Il ne le faisait pas, seulement ou simplement pour dire que la vérité avait été proclamée et, peut-être, simplement entendue. Il prêchait pour que l’Évangile de Dieu, la vérité du Christ soient efficaces, qu’elles émeuvent, qu’elles bouleversent et convertissent. Il prêchait pour que la conversion mène ou ramène – au moins pour un temps – à regretter les errements passés, à faire pénitence…. Il le faisait pour leur faire goûter la joie du salut partagé. Cela ne pouvait véritablement avoir lieu que dans la communauté ecclésiale composée de pécheurs, de pécheresses, de saintes et de saints en devenir, dans une communauté apostolique incarnée, avec toutes les difficultés que cela entraine, les contre-témoignages possibles. Tout cela tient dans ce mot de réconciliation.

Et la réconciliation qu’il visait n’était pas au rabais. Elle ne niait pas ce qui pouvait y avoir de juste, de justifiable, de raisonnable dans ce qu’avait vécu et choisi les personnes réconciliées… Avec les moyens de l’époque et selon des attentes – appelons-les – religieuses de son époque, il tentait d’équilibrer les désirs de rigueur et de discipline personnelle ET la vitalité de la prière et des sacrements.

Enfin, la réconciliation qu’il visait et pour laquelle il prêchait sans relâche, il ne l’imposait pas. Il l’offrait. Il l’offrait au nom de l’Église de Dieu, inscrite dans un lieu précis. Il faisait d’ailleurs injonction au pasteur local de se soucier de la personne réconciliée, de la soutenir… même si les moyens de ce souci pastoral pourraient nous troubler aujourd’hui : nous n’avons plus guère recours au fouet. Il s’en remettait aussi à l’Église pour confirmer sa pratique et la vérité de la réconciliation de la personne avec Dieu et sa réception dans l’Église.

Il finit par instituer un Ordre dévouée à la prédication en vue de la réconciliation des humains entre eux et avec Dieu jusqu’aux limites du monde et jusqu’à la fin du monde. Des moniales, des sœurs et des frères se partagent depuis cette mission.

Aujourd’hui encore, ici à Chalais, la Parole de Dieu retentit. La réconciliation est encore et toujours offerte. Nous y avons été plongés au baptême. Nous sommes invités à en vivre. Nous sommes poussés, par l’exemple de Dominique, à l’annoncer en vérité, à trouver gestes et mots pour que les quêtes de sens, de nouveauté, de vie authentiquement humaine puissent y reconnaître un chemin inattendu.

De cette réconciliation prêchée, reçue, vécue, faisons mémoire au cours de notre Eucharistie.