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Solennité du Christ Roi A

Fr Bernard Senelle op

Mt 25, 31-46

« Il séparera les hommes les uns des autres ». Tel est frères et sœurs l’horizon de notre histoire et cela ne va pas forcément dans le sens de la convivialité ou d’une dynamique d’union, de communion, de relation. Le dernier mot sera un acte de séparation. Mais qu’en est-il de la brise légère et du souffle discret de l’Evangile ? Comme au jour de la Création où Dieu sépare la lumière des ténèbres, l’eau de la terre, au jour du Jugement, Dieu va séparer les justes et les maudits, les brebis des chèvres et des boucs. Séparation et qui plus est surprise car Dieu était là et peut-être que je ne le savais pas. Il a exaucé notre prière, celle de l’Apocalypse : « Viens Seigneur, Jésus ».

Car c’est bien à l’impromptu, ici et maintenant que cette présence promise se réalise et appelle notre vigilance active et miséricordieuse. Car le bien n’est pas programmé, il survient à l’improviste, comme le Fils de l‘homme. Les attentats, les guerres sont programmés, le mal est programmé, l’homme, dit la Bible prépare en secret ses mauvais coups ; le bonheur, le bien, l’époux, le pardon, arrivent et nul ne sait ni le jour ni l’heure. Ainsi en va-t-il du Royaume. « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Béni soit le Règne qui vient, celui de David notre père. », avons-nous chanté pour acclamer l’Evangile.

« Si j’avais su que Jésus était là si près de moi » Mais peut-être que je ne m’en suis pas aperçu ou si peu aperçu de ce bien qui surgissait. J’étais trop pris, trop occupé ou préoccupé. Oui, frères et sœurs, nous sommes invités à l’attention pour surprendre la naissance d’un monde nouveau. Qu’il règne et nous apporte la guérison tant attendue. C’est sur la capacité à nous pencher vers l’autre et à sortir de nous-même que nous serons jugés. Nous pouvons passer à côté de Dieu, à côté de l’autre. « Il est venu, Il viendra, Il vient ! » C’est notre temps déjà habité par le Christ, notre histoire qui porte Jésus caché au plus secret d’elle-même, telle une femme qui porte l’enfant qu’elle va mettre au monde sans savoir là encore l’heure exacte de la naissance.

Au jour du jugement, nous apprendrons que Jésus n’avait jamais été aussi près de nous qu’aujourd’hui. Il est dans celles et ceux que je ne prends pas le temps d’écouter, que je juge avant même qu’ils aient parlé. Il est dans celui que je ne regarde pas, qui ne partage pas ma foi, ma religion, qui est d’une autre culture, qui est en fragilité. Le Christ est là sans doute aussi dans nos liturgies, dans les psaumes que nous chantons avec tant et tant de croyants juifs ou chrétiens, il est près de nous dans nos eucharisties lorsque nous le reconnaissons à la fraction du pain et qu’il nous remet en route. « Allez »

De la reconnaissance de cette présence dépend la suite, le tri entre les brebis et les chèvres, ce temps où Dieu nous fera parler : « Que s’est-il passé dans ta vie ? Ce sera le temps de la question et du dialogue. Qu’avons-nous fait, qu’avons-nous aimé et contemplé ? Le jugement est présent lorsqu’il est question d’écouter et de mettre en pratique, d’accueillir les disciples, de reconnaître le bon grain et l’ivraie, d’accueillir les enfants au nom de Jésus. Toutes ces œuvres sont celles que le Seigneur avait demandées à son peuple par le prophète Isaïe : « le jeûne qui me plaît, n’est-ce pas partager ton pain avec celui qui a faim, accueillir chez toi les pauvres sans abri, couvrir celui que tu verras sans vêtement »1

Cette semaine, comme pour nous préparer à l’Avent et célébrer la royauté, nous allons œuvrer pour que le Christ devienne roi car c’est en nous que se cache le roi, c’est en nous qu’il cherche refuge pour nous emmener vers celles et ceux qui attendent un peu de réconfort. Nous allons faire notre part vers toutes celles et ceux qui ont besoin de pardon, qui mendient du fond de leur cœur un peu d’humanité. Une rencontre, une découverte, la beauté d’un paysage, d’un animal, une oreille attentive, un travail bien fait, le soutien des autres dans une épreuve, un appel à l’aide. « Tu es avec moi, ton bâton me guide et me rassure »

Accueillir le Roi de l’Univers, c’est faire place à celui qui entrera sur un ânon dans Jérusalem, c’est dresser la table pour Celui qui l’a tant dressée pour nous. Il ne domine personne, Il demeure dans le silence de nos cœurs pour y établir la paix et alors, rassembler ses enfants dispersés à Jérusalem et sur toute la surface de la terre.

1 Is 58, 6-7