4ème Dimanche de Carême - A

Frère Philippe Verdin op

26 mars 2017

Jean 9, 1- 41

Les textes que nous offre la liturgie de ce dimanche sont pleins de joie, d’insolence et tout guillerets.
Il y a la provocation du prophète Nathan qui choisit le plus petit des bergers pour en faire le grand roi David, l’aïeul de Dieu.
Il y a Saint-Paul, un brin exalté, qui nous rappelle que nous sommes enfants de lumière et que tout ce qui caché sera dévoilé. Ce qui est caché, c’est ce qui est obscur, petit, dédaigné. St Paul nous invite donc à un jeu qui peut durer toute la vie : chercher autour de nous les trésors que Dieu a cachés dans des personnes apparemment anodines et qui pourtant recèlent un trésor. Découvrir les saints, les amis de Dieu qui vivent avec nous dans la discrétion et qui cachent aux yeux des blasés la lumière éblouissante qu’ils ont reçu de Dieu. Ça me rappelle un verset du prophète Isaïe qui me fait rêver : « Je te donnerai des trésors secrets, des richesses cachées, afin que tu saches que je suis le Seigneur qui t’appelle par ton nom » (Is. 45, 3).
Et puis il y a cet épisode de l’aveugle-né à la piscine de Siloé. Nous sommes comme dans un jeu de colin-Maillard. L’aveugle cherche qui l’a guéri, les pharisiens cherchent qui l’a guéri, Jésus apparait mais l’aveugle ne le voit pas, Jésus disparait pendant la polémique et hop, voilà Jésus qui réapparait pour que l’aveugle le reconnaisse.
Il y a de l’impertinence dans l’ingénuité de l’aveugle qui dit aux pharisiens : « si vous m’interrogez avec insistance, c’est peut-être parce que vous voulez devenir disciples de Jésus ? » et qui les taquine : « Vous êtes savants et moi ignorant. Pourtant, j’ai du mal à imaginer que si Jésus n’était pas de Dieu, il pourrait ouvrir les yeux à un aveugle de naissance… » Il y a de la malice de la part de Jésus qui confond l’aveuglement des pharisiens. Il y a notre jubilation parce que les pharisiens se font humilier en public et qu’on aime bien que les savants vaniteux se fassent prendre en flagrant délit de mauvaise foi et qu’on leur rabatte le caquet.
Pourquoi Jésus met-il de la joie dans cet épisode ? Parce qu’il remplit sa mission. La mission des moniales c’est de porter la prière du monde devant le Seigneur. La mission des frères prêcheurs c’est de prêcher, la mission des fiancés c’est de mieux connaitre leur futur conjoint, la mission de Jésus c’est de révéler en paroles et en actes qu’il est le Fils de Dieu et qu’il est venu sauver les hommes. Quand on fait enfin ce pour quoi on est fait, quand on accomplit sa vocation, on est rempli de joie. Jésus manifeste donc qu’il est le fils de l’Homme en guérissant l’aveugle. Le signe que le Messie est là, c’est que les aveugles voient, les sourds entendent et la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres. En guérissant un aveugle, Jésus révèle sa véritable identité. En révélant que Dieu est avec nous, qu’il est venu pour nous éclairer et nous soulager, il annonce la bonne nouvelle. Et cette bonne, cette merveilleuse nouvelle, c’est que nous ne sommes pas seuls. Désormais nous ne serons plus jamais seuls.
Comment Jésus s’y prend-il avec l’aveugle ? Comment le guérit-il et lui manifeste-t-il son amour ? Jésus administre un sacrement. Un sacrement, c’est un geste et une parole qui réalisent ce qu’ils signifient, un signe et une parole qui remplissent l’homme de la grâce de Dieu. Cette grâce lui permet de voir, de comprendre et de marcher vers la lumière. Jésus crache par terre, de la poussière fait de la boue, l’applique sur les yeux de l’aveugle qui doit se laver. Il y a geste fort, dégoutant et déroutant. Comme une onction. Ensuite il y a une parole et une confession de foi : « Crois-tu au Fils de l’Homme ?
Je crois Seigneur ! »
Eclaire-nous, Seigneur. Fais tomber les peaux de saucisson qui recouvrent nos yeux et nous aveuglent. Que nous puissions voir ton Esprit-Saint à l’œuvre maintenant autour de nous. Remplis-nous de ta lumière. Que nous te rencontrions au bord de la piscine, dans la montagne, dans tous les lieux incongrus où tu nous attends et que par ta grâce nous te reconnaissions.