6ème Dimanche du TP- C
Frère Bernard Senelle op
1er mai 2016
Jean 14. 23-29
« Si tu m’aimes et bien tu dois faire ce que je dis. Sinon, c’est que tu ne m’aimes pas et je ne te parle plus ou même je te quitte. » Il nous est peut-être arrivé au travail, en famille entre amis, en communauté d’entendre ou même de prononcer ce type de paroles. « Tu dois faire cela sinon, c’est que tu ne m’aimes pas… » C’est ce qui habituellement s’appelle du chantage affectif, de la manipulation. Hélas, nous rencontrons cela, nous en sommes les témoins, nous le subissons, nous l’avons fait. Nos familles, nos groupes d’amis, nos communautés peuvent être éprouvées, malmenées, voire détruite par ces postures victimaires et culpabilisantes.
Et voilà qu’en ce sixième dimanche de Pâques, résonnent ces paroles : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole… » Mais Jésus le dit pour que Dieu vienne et il ajoute : « Nous viendrons chez lui. » Ainsi, Jésus qui est sans péché ne renvoie pas à lui-même mais à un autre, à son Père, la source de l’amour. Et il est mort pour nous par amour de son Père. « Si quelqu’un ne parle qu’en son nom, il cherche sa propre gloire » dit Jésus par ailleurs. Et puis, Jésus a commencé par nous aimer, par nous partager le don du Père avant de demander quoi que ce soit. Avant d’exiger, il faut donner, il faut se donner et sans doute accepter les autres et sa famille, sa communauté comme elle est. Et Jésus est allé jusqu’à prendre sur lui notre faiblesse, notre péché.
« Si quelqu’un m’aime… » Est-ce que celui ou celle qui dit cela est prêt à se donner pour lui, pour elle ? C’est le critère de discernement et de jugement. Jésus renvoie au Père et à la joie d’être habité par Dieu. Au moment où approchent l’Ascension et la Pentecôte, au moment où beaucoup vont célébrer leur confirmation, Jésus nous promet la présence de Dieu au plus intime de nous-mêmes, dans notre cœur. Il s’efface, il s’en va et n’impose rien. Car en fait, il nous a aimés le premier et c’est à nous de répondre avec notre liberté qu’il a libérée. « C’est pour que nous restions libres que le Christ nous a libérés. »
La parole de Jésus est pour notre joie, pour notre bonheur. Dieu s’installe dans un cœur qui aime avec ses faiblesses et ses éventuelles blessures, il fait sa demeure dans un cœur vivant capable d’aimer gratuitement : « L’amour a besoin de temps disponible et gratuit, qui fait passer d’autres choses au second plan. » dit le pape François dans sa dernière exhortation apostolique « La joie de l’amour » et il ajoute pour l’amour conjugal : « Il faut du temps pour dialoguer, pour s’embrasser sans hâte, pour partager des projets, pour s’écouter, pour se regarder, pour se valoriser, pour renforcer la relation. »
Il en va de même avec Dieu : il faut du temps pour renforcer la relation, recevoir l’amour qu’il nous donne. Il faut du temps avec les amis, les frères, les sœurs. Cela passe par des gestes simples, mais aussi par le souci du bien commun, des qualités de mises en œuvre de politiques courageuses, de choix solidaire et responsable, d’actes de courage et de pardon pour que Dieu vienne et qu’il nous donne sa paix.
Le signe de sa présence aimante, c’est la paix, le trésor de la sagesse de Dieu. Que faisons-nous de cette paix annoncée par les prophètes ? « Paix ! Paix à qui est loin et à qui est proche » Comme magistrature, j’instituerai la paix. » ou encore « Voici que je fais couler vers elle la paix comme un fleuve » Est-ce que la paix coule en notre cœur, au sein de notre famille, de notre communauté, de ce petit monde qui nous est confié et où se joue le salut du monde ? C’est une aventure quotidienne que d’y veiller par des petits gestes, des attentions.
« Je vous laisse ma paix, je vous donne ma paix » Nous disons cela à chaque eucharistie, le prêtre le dit pour les fidèles et c’est le secret de Dieu, celui de Jésus, ce qu’il nous lègue avant d’être livré, ce qu’il laisse comme pour repartir vers le Père sans rien, comme il était venu dans la crèche. Il a donné sa vie, il nous laisse sa paix, il ne remporte pas avec lui la paix qui s’est levé à l’Orient lors de sa venue, il partage la paix comme il a partagé son corps. « Paix à vous » a-t-il dit au soir de la Résurrection en apparaissant à ses disciples. Nous sommes les héritiers appelés à faire fructifier ce trésor. « Acquiers la paix intérieure et des milliers d’être autour de toi trouveront le salut. » disait le moine Séraphin de Sarov.
Gardons la Parole, annonçons la, partageons la joie du retour vers le Père car le ressuscité, ce matin, nous emmène avec lui pour que Dieu vienne.