1er Dimanche de l'Avent 2014 - B
Frère Philippe Dockwiller op (Ste Marie la Tourette)
30 novembre 2014
Marc 13, 33-37 Insomnie ?
Le Seigneur nous invite-t-il à l’insomnie en nous commandant de veiller dans l’attente de sa venue ? Il est parti, il reviendra à l’improviste, et le pauvre portier devrait abandonner tout sommeil dans la perspective de l’accueil à réserver au Maître à son retour ? « Veillez ! » À quelle vigilance, Jésus nous exhorte-t-il ?
La nuit de la Passion, à Gethsemani, nous verrons bien qu’il est difficile de tenir dans la veille : « vous n’avez pas eu la force de veiller une heure avec moi ? » Alors pour comprendre cette vigilance de l’avent, le plus simple n’est-il pas d’abord de nous demander quand nous nous sommes éveillés ?
Nous attendons et désirons la venue en gloire du Seigneur, le point final de ce monde et de ses logiques à court terme, et l’Église, fidèle à son Époux, nous invite à veiller. Donc à nous réveiller. Et pour voir où sont nos éveils, peut-être faut-il apprendre à distinguer entre le début et le commencement. Le début marque toutes les entrées, dans une messe : « au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit. Amen. » Le début ouvre une leçon, un cours, une communication. Nous entrons, mais nous ne savons pas encore où nous sommes vraiment. C’est ainsi que nous avons débuté dans ce monde. Par comparaison avec ce début passif, le commencement est le moment décisif où une activité apparaît en nous, un réveil se produit : soudain, nous sommes là, entiers, parce qu’une parole vient de toucher les profondeurs, parce qu’une lumière entre dans les plis de notre âme, parce que nous naissons en répondant enfin à cet appel. Et ce que nous comprenons, ou éprouvons, à ce moment-là, est sans retour. Revenir en arrière ne sera plus possible. Un commencement est une naissance. Force est de constater que nous sommes nés en réveil longtemps après notre début. Il y a parfois un écart saisissant entre notre début et notre commencement. Car commencer est maintenant. Débuter se répète, et appartient au passé. À l’heure où nous appelons la venue ultime du Seigneur, pour veiller dans la foi, apprenons à voir où commence vraiment notre vie avec le Christ. Cela nous rendra bien plus patients. Qu’Il vienne, cela appartient à l’agenda de Son Père. Que nous commencions enfin appartient à la fois à Sa grâce et à notre consentement.
La porte sur laquelle nous devons ouvrir l’oeil est celle par laquelle le Seigneur va venir, certes ; mais elle aussi cette frontière entre nous et le monde : notre intelligence et le monde, notre cœur et le monde. Si bien que les évidences du monde, son bonheur en vacances et en cartes bancaires devraient au mieux rester à l’extérieur, au moins devrions-nous les voir passer en nous et devrions-nous être en mesure de neutraliser leur folie trompeuse. Être éveillé et vigilant, ce n’est pas quitter le sommeil, c’est peut-être voir ce qui est en train de passer en nous et qui devra finir comme les montagnes seront ébranlées : ces vanités finiront parce qu’elles n’auront eu que des débuts hors de Dieu, et n’auront jamais commencé en Lui. Seuls nos commencements tiendront en Dieu, notre naissance éternelle en Lui. Nos débuts, nos redémarrages et nos bégaiements n’existent pas devant Lui, et ils ne devraient pas nous retenir. Nos commencements nous affranchissent de nos débuts.
En cette nouvelle année liturgique, nous allons lire l’évangile selon Saint Marc. Un texte rocailleux, parlé, adressé à des disciples qui connaissent déjà un peu le Maître mais qui doivent encore apprendre à Le suivre. Souvent ils sont dépeints comme des débutants, et c’est pour notre édification que Marc écrit de la sorte. Afin que stimulés par ces hommes lourds, ces débutants, nous soyons empressés d’embrasser le chemin des commençants : le chemin de Bartimée, fils de Timée, l’aveugle guéri qui suit immédiatement le Christ qui monte à Jérusalem ; la confession de foi du centurion au pied de la Croix.
Que le Seigneur nous assiste de Sa grâce, et nous fasse entrer dans le lieu de notre commencement.
Là nous serons vigilants.