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Les messagers qui annoncent la paix

Fr Denis Bissuel op

9 août 2010
Qu’ils sont beaux sur les montagnes les messagers qui annoncent la paix, qui proclament au monde une Bonne Nouvelle, la Bonne Nouvelle de notre salut. Ou plutôt, littéralement, et selon la parole prophétique d’Isaïe : qu’ils sont beaux sur les montagnes les pieds des messagers qui annoncent la Bonne Nouvelle du salut. Frères et sœurs, nous ne savons pas grand-chose de Saint Dominique, encore moins de ses pieds, mais nous savons qu’il marchait beaucoup, il a parcouru l’Europe, pèlerin infatigable, prédicateur, héraut de l’Évangile, gravissant sans cesse les crêtes escarpées de la montagne de Dieu.
Contrairement à d’autres saints plus populaires, Dominique est peu connu. Il n’a rien écrit sinon trois fragments de correspondance plutôt décevants. On le connaît surtout par son successeur et biographe, frère Jourdain de Saxe, qui a poursuivi son œuvre, en a retracé l’histoire dans un petit livre, appelé libellus, aux frontières de la chronique et du témoignage personnel. Nous pouvons le connaître aussi, d’une certaine manière, par ce que vivent encore aujourd’hui ceux qui se réclament de lui, frères et sœurs de l’Ordre des Prêcheurs qui se sont mis en route à la suite du Christ selon le charisme dominicain.
L’aventure dominicaine commença dans le sud de la France, entre le 12ème et le 13ème siècle. Dominique accompagnait son évêque Diègue depuis sa Castille natale jusqu’en Europe du nord pour une mission diplomatique. Ils durent traverser la région du Lauragais, un bastion cathare à l’époque. Là se répandait une doctrine peu conforme à l’Évangile ; en effet, si l’on prônait le retour à une réelle pauvreté on ne voyait dans le monde, le corps et la matière que réalités mauvaises et diaboliques, au contraire du monde spirituel et pur des âmes et le de l’esprit, qui serait seul l’œuvre de Dieu créateur et bon.
Saint Dominique et son évêque virent les dangers d’une telle hérésie, le mal qu’elle pouvait faire dans le cœur des hommes. Ils furent pris de compassion pour les cathares et les pécheurs, et comprirent l’urgence qu’il y avait de réagir, d’annoncer de manière explicite et en vérité l’Évangile de Jésus-Christ, le Verbe de Dieu venu dans notre chair, le Fils bien-aimé, le Christ mort et ressuscité.
On allait donc se mettre à prêcher sans relâche, à ‘exposer nettement la vraie foi en la dégageant des opinions particulières qui l’obscurcissent, comme dira Lacordaire, et en laissant à l’esprit de l’homme toute la liberté que la Parole de Dieu et l’Église lui ont donnée’.
Il y avait un combat à mener et l’arme fut la Parole. S’il fallait convaincre, ce fut toujours par la parole et par l’exemple, animé d’une charité sans borne pour les autres. Dominique allait pauvrement de villes en villages, avec son évêque, seul, puis avec quelques compagnons qui deviendront ses frères. Il parlait avec les gens, n’hésitait à entrer dans des controverses et des disputes publiques pour qu’advienne la Vérité de l’Évangile.
Il eut un jour une vision : Pierre et Paul lui apparurent ; Pierre lui confia le bâton de pèlerin et Paul le livre de l’Évangile ; il lui disent : ‘Va et prêche car Dieu t’a choisi pour ce ministère’ et ‘alors en un instant, écrit le chroniqueur, il lui semble voir ses fils dispersés dans le monde entier, s’en allant deux par deux prêcher au peuple la Parole de Dieu’. Pour Dominique ce fut le point de départ de la dispersion des frères, car il faut évangéliser le monde, édifier le peuple chrétien, annoncer l’Évangile aux païens. Il y a en saint Dominique du Pierre et du Paul.
Et je l’imagine bien tel l’apôtre, enthousiaste, convaincu, soucieux des malheureux et des pécheurs : il va, ‘proclame la Parole, insiste à temps et à contretemps, dénonce le mal, encourage et n’hésite pas à faire des reproches, avec une patience inlassable et le souci d’instruire.’ Et quand les gens refusent d’entendre la vérité et vont au gré de leurs démangeaisons, il supporte et travaille jusqu’au bout à l’annonce de l’Évangile.
Mais Saint Dominique le sait bien, il ne peut prêcher que si sa parole est nourrie, profondément enracinée dans la prière, le silence, l’étude, la contemplation, le soutien d’une vie communautaire et fraternelle.
Homme de l’Évangile on le voit prier partout, la nuit, le jour, en chemin, au couvent ; il gardait souvent la Bible ouverte devant lui, étudiant, ruminant la Parole de Dieu. Il portait toujours avec lui, disait-on, l’évangile selon saint Matthieu et les épitres de Paul qu’il connaissait par cœur. Il se tenait des heures au pied de la croix, contemplant Jésus crucifié, et c’est là, pénétré de la miséricorde de Dieu, qu’il pouvait rencontrer l’humanité telle que Dieu lui-même peut la porter dans son amour.
Saint Dominique fut un homme de parole et de prière, engagé dans la controverse publique et dans l’oraison silencieuse, homme d’action et de contemplation, de conviction et de compassion. Il est pour nous un modèle et un frère.
Nous pouvons rendre grâce à Dieu de nous avoir donné un tel père, et demander à Saint Dominique d’intercéder pour nous, afin que nous restions fidèles à notre vocation.