Le Christianisme est né en Orient
Fr Jean-Marie Mérigoux op
21 juillet 2008
Evoquer l’Orient chrétien à Chalais, parmi vous, est une joie car les liens sont nombreux entre ce monastère et la famille dominicaine présente en Orient, de l’Irak à l’Egypte. Ce sera aussi l’occasion de rappeler les liens très étroits qui existent entre ce haut lieu dominicain et les premiers frères dominicains français qui sont partis vers la mission de Mossoul en Mésopotamie, sous l’impulsion du Père Lacordaire, la fin du XIXe siècle. Pour eux c’était aller à Ninive !
En Irak, au Liban, en Syrie, en Égypte, en Palestine il y a bien des monastères situés dans des montagnes : ce sont des lieux de pèlerinages très aimés, sanctifiés par le souvenir d’un saint ou de moines : en Égypte il y a le monastère Saint Antoine, en Irak celui de Rabban Hormez et de Mar Matta, au Liban c’est la vallée de la Qadicha, en Palestine au Mont Tabor et bien d’autres encore.
Sans nul doute Chalais est un lieu très évocateur pour ceux qui arrivent d’orient et dans lequel ils ne peuvent que se sentir à l’aise.
Mais évoquer l’Orient ce sera pour nous aujourd’hui parler de ce lieu choisi par Dieu pour venir « habiter parmi nous », et c’est aussi le lieu où le christianisme est né.
L’événement que fut la venue parmi nous du Fils de Dieu a eu lieu en Orient : c’est là que Jésus s’est inséré dans le peuple de la Bible : né à Bethléem en Judée, il a vécu en Galilée, à Nazareth puis à Capharnaüm, ensuite il s’est rendu à Jérusalem pour y accomplir notre salut par sa Pâque. Tout cela, si important pour nous, s’est passé dans ce Proche Orient dont on parle tant d’aujourd’hui.
C’est pourquoi le Proche Orient a pour nous chrétiens de tous les temps une si grande place ; il se confond avec la Terre sainte : nous aimons y aller en pèlerinage, où y aller par la pensée et l’étude lorsque voulons mieux connaître et aimer ces lieux choisis et bénis par Dieu.
« Le christianisme est né en Orient »
Le 1er décembre 2006, le pape Benoît XVI, à l’occasion de son voyage en Turquie, a célébré une messe à la cathédrale d’Istanbul.
Ayant eu la joie de concélébrer cette eucharistie, j’ai senti combien cet événement fut pour tous les participants l’occasion de voir, réunis autour du saint père, bien des visages de l’Eglise catholique.
Avec l’Eglise latine locale il y avait les Eglises catholiques orientales présentes en Turquie : arménienne-catholique, chaldéenne et syrienne-catholique. Etaient présents aussi à cette célébration le patriarche des Grecs orthodoxes Bartholoméos 1er, le patriarche des Arméniens grégoriens Mesrop, le métropolite des Syriens-orthodoxes et encore bien des communautés ecclésiales latines non catholiques : luthérienne, calviniste et évangéliste. La Turquie méritait bien d’être appelée « la Terre sainte de l’Eglise », ce pays qui n’est pas loin de la Palestine et d’Israël qui constituent « la Terre sainte de Jésus ».
J’insisterai maintenant sur les « catholiques » d’Orient, non parce que j’oublierais les « orthodoxes », mais parce qu’en Occident, et c’est bien dommage, les catholiques d’orient sont souvent trop peu connus et parfois même ignorés par bien des catholiques latins.
Il arrive que l’on entende répéter que l’Orient chrétien serait le domaine propre des Orthodoxes, tandis que l’Occident latin serait le domaine de la catholicité !
Or ceci est bien contraire à la réalité : il faut donc rétablir la vérité, et faire mieux connaître en Occident l’Eglise catholique dans sa partie orientale, puisse notre rencontre d’aujourd’hui nous aider à faire mieux connaître nos frères catholiques d’Orient.
L’Eglise catholique est orientale et occidentale
Les chrétiens d’orient m’ont révélé, depuis ma jeunesse marseillaise où je les avais déjà rencontrés, comme au cours de mon séjour en Orient, bien des visages de mon Eglise catholique que je ne connaissais guère avant d’aller vivre parmi eux pendant près de 40 ans.
Je dois beaucoup à mes frères chrétiens d’orient car par leur hospitalité et par le témoignage de leur foi qui a connu tant d’épreuves, ils m’ont beaucoup aidé et éclairé dans ma vie sacerdotale et dominicaine.
Grande est donc ma reconnaissance et aussi mon admiration, comme catholique occidental latin, pour les chrétiens maronites du Liban, les Grecs-catholiques de Syrie, les Chaldéens et les Syriens d’Irak, les Latins -catholiques de Terre sainte, les Coptes catholiques d’Égypte et les Arméniens catholiques de Turquie.
Tous ils m’ont révélé les nombreux et beaux visages du catholicisme.
Si avec ces catholiques des divers rites orientaux la communion est parfaite, je n’oublie pas pour autant nos frères orthodoxes avec qui notre union est déjà très profonde : ils véhiculent, dans leurs traditions, les trésors du christianisme oriental : Assyriens, Grecs, Syriens, Arméniens et Coptes orthodoxes.
Avec eux, grâce aux efforts de l’œcuménisme et aux inspirations de l’ Esprit saint, nous sommes en recherche active de la communion parfaite.
L’Orient cadre originel de l’Église naissante
C’est donc en Orient que le christianisme est né, c’est là qu’il a ses racines bibliques et culturelles. Mais, si le christianisme est né en Orient, il n’est pas pour autant le produit de l’Orient, de sa culture, de sa civilisation ou de ses terres, fussent-elles déclarées « saintes » : le christianisme vient radicalement « d’En Haut », c’est un don de Dieu : ses racines sont en Dieu et il réalise parmi nous le mystère de l’Incarnation : “Le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous” (Jn 1, 14).
C’est parce que le Fils de Dieu s’est incarné en Orient, et que cette région du monde lui a donc donné l’hospitalité, que l’Orient ne cesse de nous rappeler, comme une source, le message même de la venue du Royaume de Dieu parmi nous.
On a pu dire que cette région, dans sa réalité géographique, historique et spirituelle, était le « cinquième évangile ».
Nous avons là l’origine des pèlerinages et de toutes les visites faites aux divers lieux de l’Orient chrétien qui sont comme jumelés avec la Terre Sainte.
Incarnation et hospitalité
Le rapport entre le Verbe de Dieu fait chair et l’humanité, comme celui de l’Église et du monde, est de l’ordre d’une immense hospitalité.
Jésus aimait cette attitude d’accueil qu’est l’hospitalité, dont il bénéficiait souvent chez Lazare, Marie et Marthe, au village de Béthanie, sur le Mont des Oliviers, tout proche de Jérusalem.
Mais en recevant l’hospitalité, Jésus la pratiquait aussi à l’égard de ses hôtes à un niveau supérieur.
Jacques Maritain a évoqué cette hospitalité reçue et donnée par Jésus dans son livre Religion et Culture, § 8 :
“Jésus mangeait et buvait chez ses amis de Béthanie, il était reçu à Béthanie, mais c’est Béthanie qui recevait de Jésus”
Ce qui vaut pour le Christ vaut aussi, au cours de son histoire, pour l’Eglise qui est son Corps. Elle reçoit et donne l’hospitalité par le prolongement du mystère de l’Incarnation.
L’Église, comme le Christ dans son mystère, est “absolument et rigoureusement transcendante, supra-culturelle, supra-raciale, supra-nationale”.
En effet tous les éléments que le christianisme emprunte aux civilisations humaines, “ses langues liturgiques et ses langues de prédication, l’architecture et l’ornementation de ses temples, les matières communes ou précieuses assumées par son culte, la sagesse humaine assumée par sa théologie” tout cela est pris par la même miséricorde qui a amené l’Incarnation divine.
L’Eglise, corps du Christ, prolonge le mystère de l’incarnation du Sauveur, jusqu’au bout du monde et jusqu’à la fin des temps.
Rester proche de notre source orientale
Orient chrétien et Terre Sainte
L’Orient chrétien, de par sa géographie et par son histoire, est inséparable des « Terres Saintes » au sens large du mot.
La Galilée est un beau symbole de cette union entre la Terre Sainte et chrétienté d’Orient, car cette région fut le berceau du christianisme, elle vit l’Incarnation du Verbe, la jeunesse et l’essentiel de la prédication de Jésus et de ses miracles.
Cette région était appelée “Galilée des Nations”, car depuis les invasions assyriennes et chaldéennes elle était devenue cosmopolite, composée de peuples d’origines variées ; c’était aussi une région où les voies de communications étaient nombreuses et aisées, une région ouverte sur les pays voisins, par mer comme par voies terrestres.
Donc, la Galilée, c’est tout un symbole pour Jésus.
Il y a donc un lien indissociable entre le « christianisme oriental » et la « Terre Sainte » ou plus largement avec les Terres bibliques, comme la Mésopotamie ou l’Irak d’aujourd’hui et la vallée du Nil ou l’Egypte.
Ceci explique la place éminente des Églises d’Orient dans le christianisme universel.
Le pèlerinage chrétien en Terre Sainte
Dés le début du christianisme, les fidèles ont aimé venir visiter en Orient les Lieux Saints témoins de la vie du Christ. Ce réflexe consacrait le lien indissoluble entre les Églises d’Orient et les Lieux Saints.
D’une certaine façon le domaine des Terres Saintes et celui des chrétientés d’Orient étaient identiques. Cela donnait à l’Orient chrétien des lettres de noblesse supplémentaires. De nos jours nous savons combien les chrétientés orientales sont très immédiatement touchées par les souffrances des conflits qui sévissent dans les Terres Saintes.
Le Concile Vatican II a souvent rappelé la place éminente de l’Orient, la première, au cœur du monde chrétien.
C’est pour cela que l’Orient chrétien constitue une source intarissable d’inspiration pour la pensée et la vie chrétiennes, il est par excellence un lieu théologique dont les richesses sont inépuisables pour la pensée chrétienne.
Par ses Pères de l’Église et ses Docteurs, par les grands Conciles oecuméniques qui s’y célébrèrent dans ce qui est aujourd’hui la Turquie, l’Orient chrétien est un trésor pour les théologiens, les contemplatifs, les artistes, les historiens, les voyageurs et les pèlerins.
L’Orient chrétien est enfin pétri de la Bible et il nous véhicule aussi les premières Traditions de l’Église naissante qu’elle a conservées, comme il a conservé sa première langue, l’araméen, la langue de Jésus, toujours très parlées par les fidèles des Églises antiochienne et mésopotamienne de Syrie, d’Irak de Turquie et d’Iran.
Cette langue nous pouvons l’entendre parler aujourd’hui dans bien des villes d’Occident où ces chrétiens ont émigrés, à Marseille par exemple.
L’évangélisation, signe de catholicité
S’il y eut très tôt l’évangélisation de l’Orient mésopotamien par saint Thomas et ses disciples, le livre des Actes des Apôtres nous fait revivre très spécialement la grande extension occidentale du christianisme, parmi les Nations, Grecs et Païens, les Goyim de l’Ancien Testament.
Ceci explique l’importance que vont prendre aussi les “chrétiens d’Occident” dans le christianisme naissant.
L’installation de saint Pierre à Rome fut un vrai trait de génie providentiel. En devenant martyrs à Rome, Pierre accompagné de Paul ont mis le christianisme au centre du monde à évangéliser et ils ont ainsi manifesté l’universalité, la catholicité de Jésus-Christ.
Toutefois la fixation de saint Pierre comme évêque de Rome n’a pas enlevé à la ville d’Antioche la gloire d’avoir été, avant Rome, le premier siège apostolique de saint Pierre.
Si le christianisme est oriental dans ses origines terrestres, il a, conformément à l’enseignement de Jésus et sous l’inspiration du Saint Esprit, rapidement dépassé ses limites orientales, car il est par nature « universel, catholique », cela à cause du Christ qui a été envoyé à l’universalité des hommes et dont le salut est pleinement catholique.
Antioche, la première métropole chrétienne
Dans les Actes des Apôtres, saint Luc montre que l’évangélisation et la fondation de l’Église d’Antioche furent une suite directe du martyre d’Étienne et des persécutions qui le suivirent.
C’est dans cette ville, après la destruction de Jérusalem par Titus et les Romains, que se regroupèrent beaucoup de disciples de Jésus si bien que “c’est à Antioche, que pour la première fois, les disciples de Jésus-Christ furent appelés chrétiens”.
Antioche, l’ancienne capitale des Séleucides devenue capitale romaine de la Syrie, fut évangélisée par plusieurs Apôtres : Pierre, Paul, Jean et Barnabé, sans oublier l’évangéliste saint Luc.
C’est d’Antioche que saint Pierre et saint Paul partirent pour leurs voyages apostoliques vers l`Occident : c’est d’Antioche que d’autres Apôtres partirent vers l’Est : saint Thomas en passant par Edesse qu’il évangélisa (aujourd’hui c’est Sanliurfa en Turquie), se dirigea vers Ninive en Mésopotamie et de là partit pour l’Inde,
De nos jours dans la hiérarchie chrétienne, tant catholique qu’ orthodoxe, la ville d’Antioche est le siège ecclésiastique officiel de plusieurs Patriarches de l’Église dont le titre est « Patriarche d’Antioche et de tout l’Orient ».
Ces titres patriarcaux nous rappellent son rôle de pionnier dans la première diffusion du Christianisme.
Les « deux poumons » de l’Église
Le Pape Jean Paul II aimait redire que : « l’Église a deux poumons : un poumon oriental et un poumon occidental ». Donc, que pour que l’Église soit en bonne santé, il lui faut bien respirer, de ses deux poumons.
Ces deux poumons sont les deux faces de l’Église : l’orientale et l’occidentale.
Jean Paul II a rappelé, qu’au cours des siècles “l’Occident avait toujours beaucoup reçu de l’Orient dans le domaine de la liturgie, de la tradition spirituelle, du droit”.
Grâce aux trésors de l’Orient, où elle a puisé largement à Vatican II pour orienter son aggiornamento, l’Église a pu faire profiter sa partie “latine” des “traditions vénérables de l’Orient”.
Ceci a été constaté, par exemple, par l’adoption de la langue courante dans la liturgie, le rétablissement de la concélébration, de la communion sous les deux espèces et du diaconat permanent.
Les traditions liturgiques et ecclésiales pratiquées au cours des siècles par les Églises locales en Orient ont un intérêt capital pour la vie de l’Église toute entière. Leur proximité avec des traditions venues des Apôtres, l’héroïcité de leurs martyrs, la science de leurs Pères de l’Église, en font de véritables “lieux théologiques”dans lesquels l’Église reconnaît sa Tradition authentique et dans lesquelles elle vient puiser comme à une source très riche.
C’est pourquoi, dans son encyclique « Lumière de l’Orient » Jean Paul II a invité les catholiques à étudier, et à bien connaître, le patrimoine spirituel, théologique et liturgique de l’Orient chrétien ; il y a là une source d’unité pour tous les chrétiens.
C’est pourquoi je vous propose maintenant de nous intéresser spécialement à la constitution de l’Église en plusieurs patriarcats.
Car avoir des idées claires sur cette question aide beaucoup à comprendre l’organisation de l’Église à travers l’orient et l’occident et cela clarifie un grand nombre de questions sur la visibilité de l’Église.
Les Patriarcats dans l’Église
Qu’est-ce qu’un patriarcat ?
En posant cette question, je crois aller au devant de beaucoup d’interrogations que l’on se fait au sujet des chrétiens d’Orient.
Ce qui surprend souvent bien des chrétiens occidentaux, venant en Orient, c’est l’existence de nombreuses communautés chrétiennes, tant chez les catholiques que chez les orthodoxes, qui se définissent avant tout dans le cadre d’un Patriarcat, réalité que l’on perçoit alors confusément comme un ensemble de rites liturgiques très différents des rites latins.
Beaucoup de ces chrétiens d’occident découvrent aussi que beaucoup de ces patriarcats sont parfaitement catholiques romains, donc bien unis au Pape de Rome.
C’est ainsi qu’on rencontre au Liban des catholiques qui sont maronites, dont autorité directe est le Patriarche maronite, ou bien, en Égypte on rencontre des coptes catholiques qui se rattachent au patriarche copte catholique.
En Irak les catholiques sont majoritairement du Patriarcat chaldéen, beaucoup appartiennent au patriarcat syrien-catholique, il y a aussi les fidèles des Patriarcats arménien et grec melkite.
Définissons donc une Église patriarcale comme une communauté située dans une zone de l’Église universelle, caractérisée par un territoire géographique, façonnée par une culture, une langue, une histoire et surtout par son caractère “apostolique”, c’est-à-dire que sa « Ville mère », ou « métropole », correspond à une capitale, à une grande ville païenne de l’antiquité devenue chrétienne du fait de son évangélisation directe par un ou plusieurs Apôtres ; c’est le cas d’Antioche, de Rome, d’Alexandrie et aussi d’Ephèse qui annonce Constantinople.
Chacune de ces métropoles était de longue date, avant le christianisme, un centre d’administration, le foyer d’une culture, d’une langue et elle se trouvait donc à la tête de toute une zone géographique, culturelle, linguistique et artistique qui, devenant chrétienne, donnera le jour à des métropoles chrétiennes qui deviendront un jour des villes « patriarcales ».
C’est ainsi qu’à partir d’Antioche, la grande métropole de la Syrie, il y avait le monde araméen qui s’étendait jusqu’en Mésopotamie.
Il y avait à partir d’Alexandrie, tout le pays d’Égypte qui remontait le Nil jusqu’à l’Éthiopie, qui, avec sa langue égyptienne millénaire et l’écriture grecque, allait donner un jour la langue copte.
Il y avait Rome dans la péninsule italique, la capitale politique de l’empire romain, qui était le centre de la civilisation latine et qui s’étendait dans les Gaules et au-delà, c’était le foyer de la culture latine.
Et il y avait le monde grec de l’Asie mineure et celui de la Grèce, les grandes villes d’Ephèse et d’Athènes, centres de culture grecque.
Devenues chrétiennes, ces « Métropoles » continuèrent d’une façon nouvelle leur vocation de « Villesmères » en devenant les sièges de communautés ecclésiales importantes qui rayonnaient par leurs évêques « métropolites » sur ces mêmes régions avec leur culture et leurs langues propres avec la responsabilité des églises locales qui dépendaient d’elles.
Chacune de ces villes est une métropole, métro-polis, un Ville Mère, siège d’une communauté chrétienne, plusieurs d’entre elles seront appelées patriarcat à partir du Concile de Chalcédoine en 451.
Les villes patriarcales sont les villes d’Antioche, de Rome, d’Alexandrie, de Constantinople et de Jérusalem. Par la suite furent ajoutés des quasi patriarcats ou “catholicossat”, des Arméniens et des Chaldéens.
Pour donner la liste des patriarcats catholiques, il suffit d’énumérer les grands rites orientaux de l’Église catholique, puisque un patriarcat peut se définir par son rite liturgique.
Un rite est en effet une réalité ecclésiale, culturelle, linguistique, artistique, géographique et historique, c’est un visage qu’a pris dans une région donnée, l’inculturation du christianisme.
Voici les rites liturgiques patriarcaux existant dans l’Église catholique :
Le rite byzantin
Le rite copte
Le rite latin
Le rite syrien
Le rite chaldéen
Le rite maronite
Le rite arménien
Les langues liturgiques de ces rites sont pour le premier rite le grec, pour le second le copte, pour le troisième le latin, pour les trois suivant le syriaque et l’arménien pour le dernier.
Mais ces liturgies au Proche Orient, sont en grande partie célébrées en arabe et parfois même à peu près totalement.
Voici maintenant la liste de nos patriarcats à la quelle il ne faut pas oublier d’ajouter le patriarcat latin d’occident.
Patriarcat d’Antioche pour les Maronites
Patriarcat d’Antioche pour les Syriens catholiques
Patriarcat d’Antioche, pour les Grecs melkites catholiques
Patriarcat d’Alexandrie pour les Coptes catholiques
Patriarcat de Jérusalem pour les Latins catholiques
Patriarcat des Arméniens catholiques
Patriarcat de Babylone pour les Chaldéens
Il est intéressant de remarquer que tous les Patriarches orientaux de l’Église catholique ont la nationalité d’un pays arabe : libanaise, syrienne, irakienne, palestinienne et égyptienne :
S.B. Grégoire III ( grec catholique melchite) est syrien, S.B. Antonios Nagib (copte catholique) est égyptien, S.B. Petros Sfeir (maronite) est libanais, S.B. Ablahad Petros (syrien catholique) est syrien, S.B. Emmanuel III, cardinal Delly, (chaldéen) est irakien, S.B. Narses Bedros (arménien catholique) est égyptien, S.B. Michel Sabbah (latin de Jérusalem) est palestinien et son successeur, Mgr Twal, est jordanien.
La « place » de nos Patriarches dans l’Église
Cette place est grande, il faut bien la découvrir… et suite il nous faut écouter nos Patriarches, même quant on est du patriarcat latin…
Dans ses « Souvenirs du Concile Vatican II », Mgr Edelby (1920-1995) qui fut archevêque grec catholique d’Alep raconte sa déception le jour de la cérémonie d’ouverture du Concile le 11 octobre 1962, en voyant que son patriarche Maximos IV Saigh et les autres Patriarches catholiques d’Orient, avaient été un peu négligés et qu’on les avait placés à un rang nettement inférieur à celui des cardinaux .
Cette méconnaissance de nos Patriarches d’Orient ne convenait guère pour la « personnalité juridique » du Patriarche dans l’Église que le Droit canon appelle « père et chef d’Eglise, pater et caput ecclesiae ».
Le pape Jean XXIII fit immédiatement corriger cette erreur et il plaça les Patriarches tout près de lui.
Ces Patriarches , étaient, pourrait-on dire, « plus que des cardinaux », ils étaient juste « au dessous du Pape », lequel porte (au moins jusqu’à Benoît XVI qui modifie actuellement ce titre, mais le Patriarcat d’Occident existe bien toujours !) aussi un titre patriarcal dans la partie latine de l’Église.
Les photos où l’on voit le saint-père en compagnie des Patriarches catholiques d’Orient donnent une belle image de l’Église. Il y a entre le Pape et les Patriarches une forme visible de “collégialité” patriarcale, une certaine égalité de chefs d’Églises qui n’exclut en rien l’esprit filial et la déférence envers le Pontife suprême de l’Église. (cf. photo)
Multiplicité des Patriarcats et unité de l’Église
Parfois on entend dire par des visiteurs qui viennent en Orient, que l’on s’y perd dans toute ces multitudes d’Eglises, de liturgies, de langues et l’on en appelle alors à l’unité de l’Église qui semble très malmenée par tant de différences : « Comment voir l’unité de l’Église au milieu des Chaldéens, des Maronites, des Arméniens, des Latins, des Syriens et des Grecs ? ».
Précisément, l’unité elle est là ! : une même et unique foi théologale vécue et exprimée à travers des variétés humaines légitimes.
Nous pouvons lire dans le texte conciliaire « Lumen Gentium » (29) :
« La variété des Églises locales montre avec plus d’éclat, par leur convergence dans l’unité, la catholicité de l’Église indivise ».
Les communautés chrétiennes du Monde arabe
Elles sont présentes dans les pays suivants : Palestine et Israël, Égypte, Liban, Jordanie, Syrie, Irak, pays du Golfe et aussi un peu en Turquie, où bien des chrétiens sont de langue arabe.
La langue arabe, une grande langue chrétienne.
Les Actes des Apôtres nous disent que le jour de la Pentecôte, il y avait à Jérusalem des Arabes qui adoptèrent la foi des Apôtres (Actes, 2, 11). L’histoire des pays de l’Orient arabe nous révèle, aux alentours du VIIe siècle, une présence massive du christianisme qui fait d’eux, encore aujourd’hui, des terres chrétiennes selon la triple tradition syrienne, copte et byzantine.
La langue arabe, langue sacrée des musulmans est aussi une grande langue chrétienne, riche de toute une littérature théologique, scripturaire, liturgique, canonique, philosophique, morale et spirituelle. Elle touche profondément la sensibilité chrétienne orientale arabe.
Le proche orient manifeste d’une manière impressionnant à quel point le christianisme est bien présent dans la culture et la langue arabe : liturgies, chants, documents ecclésiastiques, livres de théologie, tout est en arabe et en un très bel arabe.
Le visage araméen de l’Église
La Mésopotamie irakienne, syrienne et turque, constitue le lieu par excellence où l’on peut voir le « visage araméen du christianisme »
Le monde araméen existait avant l’arrivée du christianisme en Mésopotamie mais il en fut le berceau, Abraham, qui était araméen appela, par sa foi en Dieu, cette évangélisation.
La langue araméenne avait été, depuis le VIe siècle av. J.-C, la langue officielle de la région occidentale de l’empire perse et elle s’était progressivement répandue dans tout le Proche-Orient, là où précisément le christianisme allait se développer et faire sienne cette langue.
Si l’arrivée de l’islam provoqua en Orient un phénomène d’extension de la langue arabe et d’islamisation, ce phénomène ne fut pourtant ni général ni partout couronné de succès, la culture araméenne fut conservée par les chrétiens. La tradition attribue à l’apôtre saint Thomas l’évangélisation de cette région araméenne qu’il traversa depuis Antioche jusqu’en Mésopotamie où il laissa deux de ses disciples Addaï et Mari pour l’évangéliser, et de là il alla annoncer l’Evangile en Inde.
La Mésopotamie devint alors la patrie du christianisme araméen dont on peut dire qu’il a deux pôles :
A l’Ouest : Antioche en « Syrie »
A l’Est : En Mésopotamie babylonienne « l’Irak ».
Le pôle syrien : Antioche
Il a son centre occidental dans la ville historique d’Antioche, ancienne capitale de la Syrie et point de départ de l’évangélisation du monde, actuellement en Turquie.
De nos jours cinq Patriarches possèdent le titre de « Patriarche d’Antioche et de tout l’Orient », trois sont catholiques : ce sont les Patriarches maronite, syrien catholique et grec catholique. Et deux ne le sont pas : c’est le Patriarche syrien orthodoxe, et nous notons qu’ici « orthodoxe » signifie « non chalcédonien » ou “jacobite”, et c’est ensuite le Patriarche grec orthodoxe, et nous notons qu’ici le mot “orthodoxe” a un autre sens que précédemment car il fait allusion, lui, au schisme de 1054.
On peut constater que de nos jours, la ville de Beyrouth, capitale du Liban joue avec Damas, capitale de la Syrie, le rôle de « Nouvelle Antioche » puisque tous les patriarches d’Antioche résident dans l’une de ces deux villes.
Le pôle mésopotamien : en Irak
Ce centre oriental c’est la Babylonie.
La Babylonie, c’est le coeur de l’empire qui eut Nabuchodonosor comme roi, celui-là même qui déporta les Hébreux en Mésopotamie, c’est le pays de « la tour de Babel ».
La Babylonie chrétienne a comme deux centres :
Le premier de ces centres se trouve à 35 km de Bagdad sur les bords du Tigre, à Séleucie-Ctésiphon, c’est l’ancienne capitale de l’empire perse. C’est le cœur historique de « l’Église de l‘Orient », couramment appelée de nos jours « Église assyrienne » ou nestorienne .
Le second site est, lui, symbolique : c’est la ville de Babylone, située à 120 km au sud de Bagdad sur l’Euphrate. Le pape Eugène IV emprunta le nom de cette ville pour le donner, en 1444, au concile de Florence, à la communauté nouvelle des Nestoriens qui firent alors leur entrée dans l’Église catholique et qui constituèrent dès lors le “Patriarcat de Babylone pour les Chaldéens”.
L’ensemble de ces Églises de traditions araméennes peuvent donc être réparties en « syriennes occidentales » : celles des « Syriens catholiques » et des « Syriens orthodoxes »ce sont celles qui sont du pôle d’Antioche, et en Églises « syriennes orientales » avec le pôle mésopotamien, ce sont les catholiques « Chaldéens », et les Assyriens, ou Nestoriens.
Le « soureth » : une langue internationale
La langue araméenne nous fascine car ce fut la langue que parlaient Jésus et les Apôtres, on l’étudie de plus en plus pour les études bibliques et par exemple au Caire elle est étudiée dans toutes les Universités y compris à al-Azhar, la grande université musulmane. Celle fait partie des langues sémitiques et ses langues sœurs sont l’hébreu et l’arabe.
La langue araméenne est très parlée en Irak , soit sous sa forme appelée soureth, , appelée aussi localement al-masihy, c’est-à-dire “le chrétien”. Elle est parlée aussi en Syrie, en Turquie,enIraneten diaspora.
Du fait de l’exode de beaucoup de chrétiens d’Irak et de ces régions, cettelangue est maintenant parlée en Australie, au Canada, aux États Unis et dans bien des villes d’Europe : Istanbul, Bruxelles, Stockholm, Munich, Amsterdam, Paris, Sarcelles, Marseille, Lyon, Toulouse…
Cette langue est très chère à ceux qui la parlent : c’est “notre langue ” (lichanné), son nom de soureth, désigne la langue des “Syriens “, les sourayyé, c`est-à-dire les chrétiens, car l’histoire se rappelle le temps où tous les Syriens, les habitants de la Syria, étaient chrétiens.
Le soureth est donc la première langue des chrétiens de la Mésopotamie, la langue la plus « maternelle », celle de la chrétienté “mère”, elle est la langue de l’intimité, de la première catéchèse, c’est un précieux héritage que l’on transmet aux enfants. C’est une forme de la langue araméenne très proche de celle que devait parler Jésus.
Tout un peuple prie donc en langue araméenne au cœur de la France et dans d’autres régions du pays. Dans beaucoup de familles irakiennes ou turques des pays d’émigration, si la pratique de l’arabe ou du turc cède progressivement la place à la langue française ou à autre langue européenne, c’est bien toujours le soureth, qu’à la maison, en famille, on transmet aux enfants et que l’on aime parler chaque fois que c’est possible.
La langue soureth reste le moyen de communication unique avec les autres membres de la famille qui se sont américanisés, germanisés ou sont passés au flamand ou au suédois. C’est le langage unique du téléphone et des vidéos cassettes et des retrouvailles familiales par delà les frontières. Le « soureth » est en train de devenir une vraie « langue internationale », et cette année pour la première fois, l’Ecole des des langues orientales de Paris a commencé à l’enseigner.
Comment parler de l’Irak, aujourd’hui ?
Rappels sur la situation de l’Église
L’Irak, grand pays arabe, est aussi un pays très important dans l’Église catholique, il possède onze diocèses et à Bagdad se trouve le cœur de l’Église chaldéenne, c’est là que réside le Patriarche chaldéen.
La population de l’Irak est aux alentours de 25.000.000 d’habitants. Bagdad compte aujourd’hui 4 000.000 d’habitants, dont 10 % de chrétiens, soit 400 000, alors que dans le reste du pays la proportion chrétienne n’est que de 3%. La situation actuelle aurait déjà poussé hors d’Irak près de la moitié de ses chrétiens.
Quant à la population musulmane du pays se partage entre les Sunnites et les Chiites.
Des congrégations religieuses très actives
Les congrégations religieuses sont d’origine orientale ou occidentale : nommons les Moines de Saint Hormisdas, les Carmes, les Dominicains, les Rédemptoristes, les religieuses dominicaines, les sœurs chaldéennes, les Petites Sœurs de Jésus, les sœurs Sacré Cœur d’Araden.
Parmi les activités de l’Église à Bagdad signalons le Séminaire chaldéen Saint-Pierre de Daura et le collège de théologie de Babel.
Le centre de théologie pour laïcs et la revue Fikr al-Masihy, “La pensée chrétienne”, sont dirigés par les Dominicains ; une école de prière est animée par les Pères carmes. Des écoles et des hôpitaux sont tenus par des religieuses dominicaines. En 1968, les Jésuites, bien implantés en Irak, furent expulsés et ont du abandonner leur belle université al-Hikmat et leur Baghdad college.
Mossoul : une métropole chrétienne
Il y a deux archevêchés catholiques à Mossoul ; un syrien et un chaldéen, et deux archevêques non catholiques, l’un est syrien orthodoxe et l’autre assyrien.
Les diocèses sont bien plus nombreux en Orient que dans le monde latin aussi on peut noter la présence très visible des évêques dans leurs églises et auprès des familles de leurs diocèses qu’ils visitent régulièrement.
Les chrétiens de Mossoul appartiennent aux deux grandes traditions de l’Église en Mésopotamie : les Syriens orientaux, donc Chaldéens et Nestoriens et les Syriens occidentaux, donc Syriens catholiques et Syriens orthodoxes.
Les villages chrétiens, nombreux aux alentours de Mossoul, appartiennent aux deux grandes traditions de la région.
Il y a vers le Nord, “la vallée chaldéenne” qui partant de Mossoul rejoint le village d’Alcoche. Elle comprend plusieurs villages chaldéens : Telkef, Batnaï, Telescof et Ashrafiyya.
La cité d’Alcoche, connue de la Bible, est appelée la “Rome des Chaldéens”. La vie liturgique chaldéenne y est favorisée par la présence de la maison-mère des moines de saint Hormisdas. C’est dans la montagne qui domine Alcoche que se trouve le grand monastère de Rabban Hormez.
Dans la direction de l’Est à partir de Mossoul, il y a « la plaine syrienne » où se trouvent les villages de Bartelli, Ba’chiqa, Ba’zané et de Qaracoche.
Tous ces villages se trouvent à proximité du grand monastère de Mar Matta qui est de tradition syrienne orthodoxe. Ils sont de tradition syrienne occidentale sauf le village de Karamlès qui est chaldéen.
Tous ces villages chrétiens ont une grande importance car, dans les pays à majorité musulmane, ce sont des lieux privilégiés pour l’expression de la vie chrétienne.
Les villages chrétiens de la région kurde, autrefois très nombreux ont souvent été détruits durant les divers conflits de notre époque.
Mais de nos jours par un étrange retour du destin, on voit dans la région kurde du Nord, la reconstruction de ces villages chrétiens et de leurs églises, et le retour de beaucoup de leurs anciens habitants.
Un village chrétien très vivant : Qaracoche
C’est une petite ville, dont le vrai nom est , compte aujourd’hui plus de 35 000 habitants, presque tous de tradition syrienne catholique. Ce sont les lendemains du la guerre de 2003 qui y ont amené beaucoup de réfugiés, originaires du village.
On y compte sept églises. Cette agglomération est à la fois centre de culture et d’élevage. Avec les peaux de moutons on fait des farwa, ou manteaux pour l’hiver, et on fait beaucoup de tissage de la laine teinte avec de beaux coloris et avec le blé on fait du bon pain et du burghul.
Le rayonnement intellectuel de Qaracoche est connu du fait des nombreux professeurs instituteurs qui en sont originaires et qui y enseignent ainsi que dans bien des villages de la région encore à l’Université de Mossoul.
Quant à son rayonnement spirituel, il est fort grand ; Les sœurs dominicaines y ont fondé des écoles pour les filles et le niveau d’instruction ne cesse de s’élever.
On y parle soureth et on y fréquente beaucoup les églises : Messes matinales, les prières de l’Office : sapro, leilo et le ramech, ou les Vêpres. Le syriaque y est bien enseigné et l’on y a bâti récemment un grand centre de catéchèse.
De Chalais à Mar Yacoub
“Le couvent de Mar Yacoub, fondé par le Père Marchi, et agrandi par le Père Besson, a, malgré sa simplicité, un aspect monumental, lorsque l’on compare ses blanches murailles, ses terrasses, son enclos, aux chétives habitations du village qu’il domine. Les rochers sur lesquels il est bâti sont percés d’un grand nombre de grottes, autrefois peuplées d’anachorètes… Du couvent, le regard embrasse cette vaste étendue de pays, qui devint le théâtre de l’activité du père Besson, après son départ de Mossoul .”
Le Père Besson, “ peintre irakien ”
Lacordaire, qui venait à peine de réorganiser l’Ordre dominicain en France, se réjouit de voir partir dans la lointaine Mossoul l’un de ses premiers compagnons. Il adhérait semble-t-il déjà, à ce dicton que j’ai souvent entendu répéter par des Pères de Mossoul : “La générosité envers la Mission de Mossoul n’a jamais affaibli la bonne marche de la Province mais le manque de générosité envers elle a souvent été signe d’un manque de ferveur apostolique.”
Le Père Besson, alors qu’il était encore jeune peintre étudiant à Rome, avait été l’ami du Père Lacordaire. On peut voir dans la salle du chapitre du couvent des Sœurs dominicaines de Saint-Sixte-le-Vieux à Rome les fresques, inachevées, du Père Besson. Le Père dut en effet quitter Rome et abandonner son chantier pour se rendre à Mossoul où l’envoyait le Père Jandel, Maître de l’Ordre.
Jean-Baptiste Besson est né et a été baptisé le 10 mars 1816 à Rans, dans les environs de Besançon. Son premier séjour à Mossoul se situe entre septembre 1856 et avril 1858. Son deuxième séjour commença en septembre 1859 et se termina à Mar Yacoub où il mourut de la typhoïde, le 4 mai 1861 . Si à Mossoul l‘activité du Père Besson comme supérieur de la Mission et fondateur de l’imprimerie au service des écoles est bien connue, on ignore souvent son activité de liturge et de peintre.
Un grand album, édité en 1909 par deux dominicains, reproduit beaucoup de ses croquis et de ses aquarelles représentant des paysages du Kurdistan . Le Père Besson, très sensible à la beauté des paysages de la montagne kurde, aimait sans doute y retrouver la beauté de la montagne où se trouvait le premier couvent de sa vie dominicaine, Chalais, près de Grenoble. Il aurait souscrit sans doute à ce devait écrire un jour le Père Rose, l’un de ses successeurs à Mar Yacoub :
“Bien souvent, nous nous plaisons à comparer notre maison de Mar-Yacoub à notre couvent de Chalais. En vérité, tous les deux occupent une position identique ; l’un est placé à l’entrée des Alpes, l’autre à l’entrée des montagnes du Kurdistan, tous deux sur un plateau à mi-côte d’une haute colline, et si le chemin de Chalais est plus long, celui de Mar-Yacoub est plus difficile. De Chalais, l’œil embrasse la vaste plaine, à l’extrémité de laquelle brillent les eaux du Rhône ; de Mar-Yacoub, l’œil s’étend sur la plaine, non moins immense, que termine le Tigre. Du haut des montagnes de Mar-Yacoub, on peut contempler à son aise les pics les plus élevés du Kurdistan, comme des bannettes de Chalais, on contemple les glaciers des Alpes. Ainsi, de tous côtés, la ressemblance est frappante, et, sans y penser, nous disons toujours : Partons pour Chalais, quand il s’agit d’aller à Mar-Yacoub. La seule différence qui existe entre ces deux maisons, c’est que celle de Mar-Yacoub touche au petit village qu’elle domine, tandis que Chalais repose seul dans la charmante et délicieuse solitude” .
Des récits terrifiants
Cette ville de Mossoul, surnommée “la ville des Prophètes”, de Jonas en particulier, voilà quelle est devenue ces dernières mois une ville terrible où bien des gens, en particulier les chrétiens, vivent dans la peur : celle des enlèvements de leurs enfants et des terribles rançons, peur des assassinats de ceux qui ont des fonctions dans le domaine public, l’obligation pour les femmes chrétiennes de porter le voile islamique et encore bien d’autres motifs qui les poussent à quitter un pays où ils s’efforçaient de rester malgré tout.
Aux dernières nouvelles, j’ai appris que nos frères ne peuvent pratiquement plus se rendre à Mossoul. C’est à Qaracoche que l’ordre se réinstalle en partie : construction d’un nouveau couvent qui sera aussi couvent de noviciat. Il en va de même pour les Soeurs qui ne peuvent pratiquement plus rester à Mossoul al Jedida.
Il y a quelques années j’ai pu écrire une description fort positive de l’Irak dans « Va à Ninive ! », mais les choses ont malheureusement changées depuis…
Ces derniers mois la communauté chrétienne y a été tragiquement frappée dans ses enfants par des enlèvements et des meurtres et aussi, dans son patrimoine, par des destructions d’églises.
Ces événements ont accentué le mouvement d’émigration de beaucoup de familles chrétiennes. C’est ainsi que plusieurs familles que j’ai rencontrés à Istanbul avaient quitté l’Irak après l’incendie criminel de l’archevêché chaldéen de Mossoul.
En 2007 deux prêtres ont été sauvagement assassinés à Mossoul. Et avec eux bien des chrétiens ayant refusé d’apostasier ont subit le martyre pour rester fidèles au Christ.
Récemment nous avons su l’assassinat du jeune prêtre Gharid et de trois sous diacres et celle de l’archevêque de Mossoul des chaldéens Mgr Paulos Rahhou et à Bagdad, le meurtre père Yusif Adel de l’Eglise syrienne orthodoxe.
Le fr Yousif Thomas, supérieur des Dominicains de Bagdad, disait récemment que le nombre des chrétiens de la capitale avait baissé de moitié . Depuis quelques mois, les chrétiens irakiens arrivent très nombreux à Istanbul, je l’ai bien constaté en reprenant le chemin de Kurtulus . Là,j’ai vu de nombreuses familles qui arrivaient de Mossoul ou de Bagdad encore sous le coup des horreurs qu’elles venaient de subir et de vivre ou auxquelles elles seraient promises si elles étaient restées.
Une femme me raconte comment on avait mitraillé son enfant devant sa porte et tué son frère, un homme me fait le récit de son enlèvement, jusqu’à ce que l’on ai payé sa rançon . Plusieurs étaient menacés de mort s’ils ne quittaient pas tout de suite leur maison.
Pire encore, c’est nouveau maintenant, on paye la terrible rançon pour récupérer le kidnappé, mais une fois l’argent versé, la victime est quant même exécutée, considérée comme indigne de vivre car elle a persisté dans sa foi chrétienne. Dans une famille chrétienne à Bagdad tous les hommes avaient été tués et les femmes enlevées.
La Syrie et la Jordanie sont aussi de nos jours des terres d’accueil pour les chrétiens du Irak.
La diaspora des chrétiens d’Orient
Les lieux de diaspora :
Istanbul : Des chrétiens d’Irak sont nombreux dans les quartiers de cette grande ville, à Kurtulus, Harbiyyé, Tarlabasa, Dolapdere…
La Caritas travaille beaucoup pour eux, et les messes se célèbrent à Istanbul dans la crypte l’église Saint-Antoine.
Sarcelles, près de Paris, dans le diocèse de Mgr Riocreux évêque de Pontoise ; l’association Assyro chaldéenne ; la belle église de Saint Thomas.
Lyon, Vaulx en Velin, Marseille, La paroisse chaldéenne de Notre-Dame de la Solitude, la cité Corot, la Rose.
Depuis le mois de juillet le France a commencé l’accueil de nombreuses familles chrétiennes d’Irak ; cette décision prise en lieu ne peut que réjouir ceux qui connaissent le drame de ces chrétiens qui ont été malheureusement forcés de quitter leur pays.
Stockholm, 12 000 Chaldéens, Hollande, Assen, Almelo, Amsterdam. Australie, Melbourne, Sydney
Canada, Belgique, Etats Unis, Detroit, Chicago, Californie, Allemagne, Autriche, Grèce…
Des migrants évangélisateurs ?
Voici que de nos jours, du fait de la migration des chrétiens d’Orient, ce trésor spirituel qu’est l’Orient chrétien se trouve souvent et de plus en plus en Occident. Or l’Orient chrétien est un « lieu théologique » au sens technique du mot, c’est-à-dire une source d’inspiration, de richesses et de révélation pour toute la pensée chrétienne , c’est donc un apport de qualité pour l’Occident chrétien.
Le dialogue entre Orient et Occident, à l’école des chrétiens araméens pourra-t-il être un élément positif pour la nouvelle évangélisation de l’Occident et le dialogue interreligieux ? Beaucoup le pense et en attende de très bons fruits.
Concluons en sitant une intuition du cardinal Roger Etchegaray par laquelle il nous invite à vivre de l’universalité de Eglise :
« Les catholiques venus d’Orient -souvent exilés- que nous accueillons sont une grâce pour nous. Eux qui furent les premiers évangélisateurs de l’Occident peuvent redevenir, si nous les écoutons, d’admirables ouvriers d’une nouvelle évangélisation.
Mais n’oublions pas que leur première vocation est de s’accrocher à leur terre natale et, dans ce sens, nous devrions les aider avec beaucoup plus d’obstination et de courage pour que le Proche Orient ne se transforme pas en cimetières ou musées chrétiens » .