2ème Dim de l'Avent 2017 B
Fr Philippe Jeannin op
10 décembre 2017
Marc 1. 1-8
« Préparez le chemin du Seigneur… » tel est le leitmotiv des lectures de ce dimanche.
Oui mais… Où ? Quand ? Comment ? Avec qui ? Pour qui ? Pourquoi ?… voici les questions que je me pose… que je nous pose pour essayer d’être concrets… D’autant plus que, lorsque je regarde les textes de près, je ne suis guère plus avancé…
Où ? Dans le désert… Comment ? En traçant droit, dans les terres arides, une route pour notre Dieu… alors que nous avons ici plutôt besoin que monte le chasse neige pour nous ouvrir la route… Que toute montagne soit abaissée ! Que les escarpements se changent en plaine et les sommets, en large vallée ! Ah, elle serait belle la Chartreuse ! Et à quoi ressemblerait le monastère de Chalais au milieu d’une plaine ?… Quand ? On n’en sait ni le jour ni l’heure… et ce jour-là viendra comme un voleur… et ce jour-là… les cieux disparaîtront avec fracas, les éléments embrasés seront dissous, la terre, avec tout ce qu’on a fait ici-bas, ne pourra y échapper. Pff ! Fini, Chalais… il n’en restera pas pierre sur pierre… Mais est-ce bien là ce que nous attendons ? Vous, je ne sais pas, mais pas moi… Ce que nous attendons, selon la promesse du Seigneur, c’est un ciel nouveau et une terre nouvelle où résidera la justice. C’est-à-dire qu’un monde doit d’abord disparaître pour laisser place à un ciel nouveau et une terre nouvelle ou résidera la justice… où Justice et Paix s’embrassent… où Amour et Vérité se rencontrent (Ps 84)
Serait-ce monde-ci, notre monde, que nous voyons en pleine mutation ? Ce monde de notre enfance, de nos références d’hier… qui s’en va… qui laisse place nécessairement à ce monde moderne qui nous déboussole parfois ? Ce monde de la numérisation qui nous fait un peu peur car on ne sait pas où il va ? Ce monde de la mondialisation qui envahit notre quotidien, qui bouscule les codes, les hiérarchies… ? Ce monde de conflits qui jette ces milliers de migrants sur les routes, qui frappent à nos portes…
L’heure serait-elle venue ? Est-ce là le monde nouveau ? la terre nouvelle ?
Oui, c’est UN monde nouveau, UNE terre nouvelle qui se dessinent… mais un monde en friche encore… en chaos… sans justice, sans paix durable, où le mensonge et la course au plus puissant, l’emportent encore sur l’amour et la vérité… Un monde de foules désemparées et abattues comme des brebis sans berger comme nous le rappelait l’évangile d’hier. Mais ce n’est pas le Monde nouveau dont Jésus rêve pour l’humanité entière.
Et si, précisément, la Parole de Dieu résonnait en nous aujourd’hui comme une invitation à nous réveiller, à nous reprendre en main pour préparer activement un chemin au Seigneur dans et pour ce monde-ci, tel qu’il est aujourd’hui… même et surtout s’il nous déconcerte.
Alors, reprenons ici les questions : Où ? Quand ? Comment ? Avec qui ? Pour qui ? Pourquoi ?… Où ? Ici… À Chalais, à partir de Chalais… Dans la communauté, en communauté, dans mon coeur, dans ma vie, dans ma prière… dans ma famille, à mon boulot… en tous lieux où je passe, où je vis…
Quand ? Maintenant, sans perdre plus de temps… même si le Seigneur prend patience envers nous, car il ne veut pas en laisser quelques-uns se perdre… Maintenant et à chaque instant, à chaque occasion donnée car il n’y a rien de plus urgent aujourd’hui.
Comment ? En vivant dans la sainteté et la piété, et en faisant tout pour qu’on nous trouve sans tache ni défaut, dans la paix, nous dit encore Pierre aujourd’hui. Et en nous convertissant et en reconnaissant publiquement nos péchés, nos erreurs… comme dans l’évangile… Peut-être un peu trop difficile pour nous pour l’instant et nous n’y sommes pas encore prêts… mais à défaut, et pour le moment, on peut toujours essayer de rendre droits ses sentiers… Qu’est-ce à dire… ? Pas dans le sens où il faudrait tracer des autoroutes droites et ennuyeuses pour remplacer les routes de campagnes sinueuses, bucoliques et si charmantes… mais dans le sens de ce proverbe arabe que j’aime bien : « la lame tordue du couteau ne projette jamais une ombre droite… »
Et si rendre droits ses sentiers, c’était d’abord se comporter de manière non tortueuse, non vicieuse, sans rouerie, sans chercher à abuser l’autre, sans mesquinerie, sans duplicité… c’est à dire se comporter en toutes circonstances et avec tous de manière droite, honnête, franche et sincère… ?
Avec qui ? Ensemble, en communauté, en groupe, en famille… pour se sentir soutenu et soutenir en retour… mais aussi avec ceux qui attendent de nous ce témoignage de notre foi.
Pour qui ? Pour ces foules désemparées et abattues comme des brebis sans berger aujourd’hui. Regardez dans nos villes, dans les centre commerciaux, dans les gares, dans le métro, dans les files d’attente du Secours Catholique ou Populaire ou des Restos du Coeur… ces migrants qui campent sur les trottoirs ou dans les moindres recoins sous des abris de fortune… toutes ces populations désemparées, perdues, qui errent, ahuries… toute cette humanité abandonnée en manque de dignité, de reconnaissance, de projet…
Pourquoi ? Parce que le Seigneur a blessé nos coeurs de son amour et qu’il y fait germer l’amour pour nos frères à la mesure dont nous l’aimons, Lui. « Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton coeur, de tout ton esprit et de toute ta force, et tu aimeras ton prochain comme toi-même ». C’est par le baptême d’eau que nous sommes entrés en communion d’amour avec Dieu, et c’est par le baptême de feu dans l’Esprit Saint, rappelé par Jean-Baptiste, que nous brûlons d’amour pour Dieu et pour nos frères.
Le temps de l’Avent est cette période de réveil… pour nous réveiller à l’amour de Dieu qui s’est manifesté et se manifeste encore aujourd’hui pour chacun par la venue au monde de Jésus ; et pour réveiller en nous l’amour pour nos frères. C’est aussi le temps où l’Esprit souffle sur nos braises pour raviver la flamme de notre amour pour Dieu et pour le monde.
Préparer le chemin du Seigneur, ce n’est donc pas tant retrousser les manches juste pendant 3-4 semaines avant Noël qu’un état de veille et d’attention permanentes de notre part pour vivre en témoins et en disciples de Jésus et annoncer, par notre manière d’être, de vivre et d’aimer, la Bonne Nouvelle du Salut, ouvrant ainsi, tels des messagers devant le Seigneur, un chemin pour lui en chacun de ceux que nous rencontrons.
Frère Philippe Jeannin, o.p.
“Le Seigneur passe…
ouvriras-tu quand frappe l’inconnu ?
Peux-tu laisser mourir la voix qui réclame ta foi ?
Le Seigneur passe…
entendras-tu l’Esprit de Jésus-Christ ?
Il creuse en toi la pauvreté pour t’apprendre à prier.
Le Seigneur passe…
éteindras-tu l’amour qui purifie ?
Vas-tu le fuir et refuser d’être l’or au creuset ?
Le Seigneur passe…
entreras-tu dans son eucharistie ?
Rappelle-toi que dans son corps il accueille ta mort.
Le Seigneur passe…
oseras-tu lancer ton cri de joie ?
Christ est vivant, ressuscité, qui voudra l’héberger ?
Le Seigneur passe…
attendras-tu un autre rendez-vous ?
Pourquoi tarder ? Prends avec lui le chemin de la vie.
Le Seigneur passe !
CFC (s. Marie-Claire)