Chaire de St Pierre 2014
Père Jean PEYCELON (Diocèse de Lyon)
22 février 2014
Matthieu 16, 13-16
Samedi dernier, à la fin d’une matinée de présentation de l’Exhortation apostolique La joie de l’Évangile, un homme s’avance vers moi et me déclare : « Je suis protestant, mais franchement, de temps en temps, un pape, ça nous manque ! ». Nous voici donc renvoyés, en cette fête de la Chaire de saint Pierre, à ce qu’est ce ministère tout particulier : la charge de Pierre et de ses successeurs.
Quand paraît l’évangile de Matthieu, cinquante ans au moins, se sont passés depuis la mort de Jésus. Des communautés chrétiennes se sont disséminées dans tout le bassin méditerranéen et bien sûr, à Rome. La question de l’unité devient cruciale et on sait tous les tiraillements qui se sont produits entre des communautés différentes très marquées par l’influence de leurs fondateurs. C’est dans ce contexte qu’on a pu dire de l’évangile de Matthieu qu’il était « l’évangile de l’Église ». Il est d’ailleurs le seul évangéliste à employer ce mot. Quant au texte que nous avons écouté il est très important car il fait de Simon-Pierre le garant, le rocher sur lequel peut se fonder pratiquement l’Église Une. Simon-Pierre, il est comme nous, fait de chair et de sang, fragile et pécheur. Le récit évangélique ne le met pas sur un piédestal, bien au contraire. Il ne comprend pas mieux que les autres ce qu’est la mission de Jésus. Il n’a pas envie de trop pardonner. Au moment de l’arrestation de Jésus il est prêt à utiliser la violence et il reniera par trois fois son ami. C’est cet homme fragile et vulnérable qui a reçu la révélation concernant l’identité de Jésus et c’est à lui que Jésus va confier la mission de garder l’Église en liant et déliant, en accueillant et en excluant, en interdisant ou en autorisant. Ce « Pierre » fragile est choisi pour être un roc, la pierre de fondation d’une Église contre laquelle se brisent les forces de la mort.
Pour nous, ce n’est pas toujours facile de vivre en Église. Nos communautés sont elles aussi fragiles et l’histoire nous enseigne qu’aucune communauté chrétienne n’est assurée de durer toujours. Les responsables de l’Église, pape, évêques, prêtres sont ce qu’ils sont, comme tous les chrétiens, des êtres humains limités et pécheurs. Mais la communion entre communautés est essentielle. La volonté de ne jamais se refuser au dialogue, le souci de partager et l’orientation première vers la manifestation de l’amour de Dieu à tous, devraient toujours nous rassembler malgré la sclérose et l’inertie de beaucoup d’institutions ecclésiales. D’où l’importance de se rappeler les anciennes formules de profession de foi : « Je crois en l’Esprit Saint dans l’Église », ou encore « Je crois en l’Esprit Saint qui anime l’Église ». Il est de la responsabilité de Pierre et de ses successeurs que l’Église soit comme une de ces vieilles maisons de famille où tous les enfants peuvent se retrouver en paix malgré leurs différences, y compris pour discuter et même se chamailler. Mais cette responsabilité est aussi la nôtre, là où nous sommes, à Chalais ou ailleurs. Avec le pape François, bien des choses semblent prêtes à bouger dans l’Église, non seulement au niveau de l’organisation mais en ce qui concerne le dynamisme de la mission. Notre part de la tâche est d’ouvrir grandes les portes, non pour recruter des adeptes, mais pour inviter à l’espérance.