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29ème Dimanche du TO B

 Fr Michel Fontaine op

Mc 10, 35-45

Les fils de Zébédée sont-ils prétentieux ?

Nous sommes en direction de Jérusalem et pour la troisième fois, Jésus parle de sa Passion (8,31 et 9,31) ; Rappelez-vous, Pierre ne comprenait pas et la réponse de Jésus était cinglante « passe derrière moi Satan », et puis c’était les disciples qui voulaient savoir qui était le plus grand et là encore Jésus prend un enfant et le met au milieu d’eux …
Et aujourd’hui, ce sont deux disciples, Jacques et Jean, tous deux fils de Zébédée, tous deux parmi les premiers choisis par Jésus en même temps que Pierre et André, qui interpellent Jésus. Ils ont quelque chose de très importants à dire et la demande est formulée d’une manière claire : « Maître, nous voudrions que tu fasses pour nous ce que nous allons te demander ». Ont – ils bien compris ce qu’ils viennent d’entendre ? Ont -ils fait le lien entre le Fils de l’Homme et Jésus qui est là avec eux ? N’ont-ils retenu que le terme de résurrection, à partir duquel ils se sont aussitôt autorisés à faire la demande que nous connaissons : « Accorde-nous de siéger l’un à ta droite, l’autre à ta gauche dans ta Gloire ».
Quoiqu’il en soit, ils expriment un désir profondément humain.

Sont-ils prétentieux, intéressés dans leur fidélité à Jésus ? N’expriment-t-ils pas ce que tout croyant serait en droit de désirer : participer au Royaume et être le plus près possible du Christ ? La demande est humaine et puis Jean est le disciple que Jésus aimait. Avec Pierre et Jacques n’ont-ils pas été témoins de la transfiguration (9,2), de la réanimation de la fille de Jaïre (5,37) et de l’agonie au jardin des Oliviers (14,33), et Jean fut le seul des apôtres à être resté au pied de la croix…
Alors, je peux comprendre qu’une telle demande, d’apparence insupportable, puisse aussi exprimer un désir parfaitement justifier.
Jésus d’ailleurs les écoute. Sans reproche, il leur fait comprendre qu’ils ne savent pas ce qu’ils demandent et en quelques mots, Il leur rappelle le chemin de transformation et de conversion qui conduit au Père. Ce chemin, ils sont prêts à le prendre, à en partager la coupe, vivre l’épreuve et à passer dans la mort vers la résurrection avec le baptême. Jacques sera décapité par Hérode et Jean subira l’exil à Patmos (selon la tradition).

C’est alors que se révèle la clé de cette parole de Marc.
Jésus replace cette demande personnelle de ses disciples dans le souci de la multitude. Notre vie de foi est bien sûr personnelle mais elle se doit aussi d’être communautaire. Jésus nous interpelle sur notre manière de réaliser ensemble un chemin d’humanisation vers le Père. Il nous parle des autres, de la famille, de la communauté, de la société…Ce chemin, Il le construit avec nous dans notre quotidien.

Voilà pourquoi, Jésus n’entre pas en matière avec la revendication des dix autres apôtres. Notre manière de vivre, notre engagement de foi n’est pas à l’image de nos sociétés terrestres. On y parle le plus souvent de pouvoir, de concurrence, d’efficacité, de supériorité… Nos institutions religieuses ne sont d’ailleurs pas à l’abri de ces dérives.
Jésus nous invite à une autre trajectoire. Il appelle ses disciples à nouveau, comme pour marquer un envoi, à une mission propre : celle qui se révèle dans le Service, celle qui se révèle dans le lavement des pieds lors de la dernière Cène.
Là est effectivement le centre de notre évangile de Marc :découvrir le mystère de notre propre humanité, celui se révèle dans le service et qui se ressource de la Parole et du Corps du Christ.
En fait, la question que Jésus me pose aujourd’hui est bien celle du comment vivre ensemble dans la communauté humaine par et dans le service de tous… parce qu’Il est venu pour servir et donner sa vie pour tous et parce qu’il nous renouvelle dans son eucharistie.
Si nous voulons prendre au sérieux cette parole, il ne faut pas avoir peur de se demander « Qu’est-ce que Servir veut dire aujourd’hui pour moi, lorsque je me confronte à l’Evangile ? ».
Servir c’est discerner en moi cette capacité à m’inscrire dans une logique du don et du partage. C’est chercher à comprendre dans mon histoire personnelle ce qui va m’aider à me libérer de certains poids et de certaines convenances. Dans l’action de servir, il y a quelque chose de l’ordre du dépouillement qui s’opère et l’on redécouvre alors l’importance et la richesse de vivre avec les autres.
Le service devient alors le visage de Dieu partagé et donné.
Ce sens profond du vivre ensemble peut se découvrir avec le Christ dans toutes les strates de mon quotidien : professionnel, familial, communautaire et dans celles de ma vie affective.

Prendre ce chemin pour découvrir en nous, avec Jésus, notre capacité à être des serviteurs, c’est rendre compte d’une foi incarnée qui n’a pas peur de l’autre et qui nous fait avancer « avec pleine assurance » vers le Père, comme nous le rappelle Paul dans sa Lettre aux Hébreux.

N’est-ce pas là, la manière de laisser « le Christ vivre en moi » ?