1er Dimanche de Carême C
Fr Pierre Januard op
Lc 4. 1-13
L’Esprit Saint, le diable et Jésus
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En plaçant notre carême sous le signe des tentations de Jésus au désert, la liturgie nous rappelle que notre combat n’est que la participation à celui du Christ et les tentations au désert sont le type même de toutes nos tentations. Regardons les trois personnages de la scène :
L’Esprit Saint, d’abord : nous l’oublions souvent quand nous lisons cet évangile. « Jésus, rempli de l’Esprit Saint, quitta les bord du Jourdain ; dans l’Esprit il fut conduit à travers le désert ». Le combat spirituel n’est pas un exercice de résistance psychologique ou physiologique aux aridités du désert comme la solitude ou la faim. Les tentations ont lieu juste après le baptême de Jésus. C’est la condition de baptisé. Mais nous se sommes pas seuls, nous sommes habités par l’Esprit Saint, c’est lui qui nous donne les armes pour affronter le mal. Plus encore, vous l’avez entendu, c’est l’Esprit qui conduit Jésus au désert. Il y a comme une nécessité de ce combat pour démasquer le diable, ne pas le laisser s’insinuer partout incidemment et gérer notre vie et la vie du monde. Grandeur de l’homme et de la femme d’avoir été jugés dignes de prendre part à ce grand combat du Christ dans l’Esprit !
Le diable ensuite. L’Évangile l’appelle par son nom. Le diviseur : dia-bollos, « jeté à travers », celui qui sépare et qui oppose, en nous et autour de nous. Il utilise ici deux tactiques, qui lui sont familières. D’abord, il cherche à nous faire douter de l’amour de Dieu et de notre dignité : « Si tu es le Fils de Dieu », répète-t-il à Jésus. Pourtant, juste avant, au baptême au Jourdain, le voix du Père s’est fait entendre qui a dit « tu es mon fils ». Ensuite, il tord la vérité. Il ment avec subtilité. Il part d’un fond de vérité pour semer la confusion. Il en déforme le sens de l’Ecriture, comme fait le serpent pour Adam et Eve. Regardons les trois tentations : « Si tu es Fils de Dieu, ordonne à cette pierre de devenir du pain ». Oui, Jésus est Fils de Dieu. Oui, il fera bien le miracle du pain. Il les multipliera, il donnera à manger aux foules. Mais il ne le fera pas à partir d’une pierre, mais à partir de la charité des hommes, en s’appuyant sur ce que chacun apportera de sa pauvreté, à partir de 5 pains et de 2 poissons. « Je te donnerai tout ce pouvoir et la gloire de ces royaumes ». Mais Jésus est déjà Roi de l’Univers, il a déjà bien plus que la gloire des royaumes. Cependant sa couronne est d’épines, faite d’amour et d’humilité et non de domination et de tyrannie. « Si tu es Fils de Dieu, jette-toi en bas ; car il est écrit ‘il donnera pour toi à ses anges l’ordre de te garder ». Oui, Jésus est Fils de Dieu. Oui, il a des légions d’anges pour le garder, mais elles viendront pour le servir, à la fin des tentations. Jésus ne se jette pas du temple. Il ne se jettera pas en bas, il ne descendra pas de la croix. Mais les anges seront là, au tombeau, pour annoncer sa résurrection. Enfin il faut relever quelque chose de capital dans l’attaque du démon : il attaque la foi. La morale est un moyen de déstabilisation. C’est à travers nos comportements et ceux des autres que le diable nous attaque. Mais ce qui est en jeu, c’est la foi, à travers cette attaque « si tu es Fils de Dieu ». C’est la parole du Père au baptême au Jourdain qui est mise en doute, et c’est l’identité du Christ. Cela peut nous aider à mieux saisir ce qui se joue dans l’actualité de notre Église. Le but du diable, à travers le mal qui se déchaîne, c’est que les gens soient si affectés, pour de justes raisons, qu’ils perdent la foi en Dieu qui est bon et qui a créé l’homme bon. Le grand combat, c’est celui de la foi.
Regardons Jésus, maintenant. Comment lutte-t-il ? D’abord, il est rempli de l’Esprit-Saint. Invoquons l’Esprit-Saint chaque jour. C’est lui qui combat en nous. Ensuite, Jésus s’appuie sur l’Écriture. Notez que Jésus fait ce qu’il dit dans sa première réponse : « l’homme ne vit pas seulement de pain ». Effectivement, l’homme vit de la Parole de Dieu et c’est ce que fait Jésus, en citant cette parole. Méditons l’Écriture chaque jour. Prenons ne serait-ce qu’un verset et laissons-le habiter notre journée. Quand nous sommes dans la tentation, pensons à la bible, à ce que dit Jésus dans l’Évangile, disons cette phrase à haute voix, comme Jésus. Mais Jésus ne cite pas un recueil de prescriptions. En réalité, Jésus fait mémoire de l’action de Dieu pour son peuple lors de la traversée du désert après la sortie d’Égypte. C’est ce que rappelle les trois extraits du livre du Deutéronome dont sont tirées les réponses de Jésus. A notre tour, dans le combat faisons mémoire comme Jésus, mémoire à partir de la bible, mais aussi mémoire de notre histoire, des moments où Dieu s’est manifesté, nous a libérés, nous a donné des joies et des consolations. Contre les insinuations du serpent et sa volonté de nous faire douter et désespérer, faisons mémoire de l’action de Dieu ! D’ailleurs Jésus, à la fin, ne dit plus : « il est écrit », mais : « il est dit ». L’Écriture est vivante. C’est d’abord une parole pour nous aujourd’hui ! C’est ce que fait Marie à la Nativité. Alors que le diable divise, Marie à la crèche « unifie » (symbolloussa) toutes ces choses dans son cœur. Elle les met ensemble : ce que l’Écriture annonçait, l’expérience personnelle bouleversante de la visite de l’ange et ce que les bergers, viennent lui dire. La diable divise, Marie unifie. Nous aussi, unifions ce que l’Écriture, notre expérience spirituelle et les autres nous disent !
Pour conclure, regardons ce que nous enseigne l’enchaînement des trois tentations, le mouvement que nous propose saint Luc à travers les réponses de Jésus : se nourrir de la Parole, adorer, renoncer au mal en ne tentant pas Dieu. Tout l’évangile de Luc est un évangile de conversion. Quand la tentation survient, après s’être appuyé sur la Parole de Dieu, posons un acte d’adoration. Adorons Dieu, contemplons sa grandeur. Concentrons nous sur lui. Louons le. Souvenez-vous du psaume 8 : « Rempart que tu opposes à l’adversaire, la louange des enfants, des touts-petits ». Le diable veut nous éloigner de la foi avec des idoles et des doutes. Souvent nos tentations se font sur un comportement moral, la colère, l’envie etc., mais le diable vise plus haut. Alors, prenons du recul. Adorons et louons Dieu. Enfin, « tu ne mettras pas à l’épreuve pas le Seigneur ton Dieu ». Le diable n’a aucun complexe… son but, à travers nous, est de mettre Dieu à l’épreuve… Jésus le démasque. Renoncer au mal, c’est renoncer à mettre Dieu à l’épreuve. Pour cela, gardons les yeux fixés sur Dieu, en méditant sa parole et en l’adorant dans sa majesté.