24ème Dimanche du TO C
Père Michel Mounier
Lc 15. 1-10
Mettre Dieu en joie !
Ce qui est en cause dans ce long chapitre 15 de Luc, si souvent commenté, particulièrement la parabole du père et des 2 fils, ce qui est en cause donc est l’image que nous nous faisons de Dieu. Cette question de l’image de Dieu était déjà au centre du passage du livre de l’Exode que nous avons entendu, et finalement de toute la Torah, de tout l’Ancien Testament car comment faire pour se passer d’une image de Dieu, d’un Dieu sur lequel on a ainsi prise ? Alors les Hébreux ont voulu représenter leur Dieu par une figure en métal fondu. Le voilà, il est là. En dehors du danger de prendre l’objet fabriqué pour Dieu lui-même, c’est la forme la plus grossière de l’idolâtrie. Fixer Dieu dans une image immuable, solide, constitue une méprise désastreuse. Dieu, le tout Autre, ne peut être saisi et fixé. Et les images mentales que nous ne pouvons pas nous empêcher de nous faire de lui : le souverain, le juge et tant d’autres, ces images ne sont supportables que si nous sommes prêts à en modifier le contenu, à voir Dieu autrement. Sinon, elles deviennent des idoles, autant que le veau d’or. Finalement, la seule image légitime de Dieu, c’est l’homme, tout autant vivant et insaisissable. Moïse refuse l’image du Dieu justicier et vindicatif, du Dieu capable de colère qui se propose spontanément à l’esprit humain. L’homme à l’image de Dieu, oui ! Mais Dieu à l’image d’un homme prompt à « faire payer », non !
On a pu dire que la Bible étalait au grand jour une à une les fausses images de Dieu, par exemple, le Dieu exterminateur pour les traiter et les dépasser. La Bible est notre éducatrice, et ceci tout au long de notre vie, car nous n’avons jamais fini avec la résurgence des idoles, c’est le combat d’une vie. Avec le Christ, parfaite « image du Dieu invisible » selon un disciple de Paul, nous parvenons, dans l’Ecriture, au terme de ce chemin. Mais nous ne voyons pas encore le Christ en toute clarté : il nous reste pour une part impénétrable. Luc nous en apprend cependant beaucoup.
D’abord que Dieu nous cherche : « Adam, où es-tu ? », avons-nous déjà entendu. Recherche laborieuse, coûteuse : le berger court la campagne, la femme balaye sans se lasser. Jusqu’à ce que soit retrouvée la brebis ou la pièce. Comment ne pas entendre que Dieu finira par nous retrouver, aussi loin que nous soyons partis ? Car chacune et chacun est précieux, irremplaçable : d’un côté 99 brebis, de l’autre une seule. Dieu ne supporte pas qu’un seul soit perdu. Dans sa création, pas de déchet, pas de sacrifié à la prospérité collective. La brebis perdue devient la plus importante car l’amour pour « tous moins un » ne serait pas l’amour.
Autre trait de l’image de Dieu révélée dans le Christ, particulièrement par Luc, la joie. Elle est là dans les 3 paraboles. Dans celle du père et ses 2 fils, voici le banquet et la fête. Ainsi, nous pourrions donner de la joie à Dieu ! ? Mais n’est-il pas inaltérable, impavide, insensible ? Eh bien non ! L’Évangile nous révèle que la joie de Dieu dépend de nous. Et dans toute l’histoire de l’Alliance, Dieu est affecté par ce que font les hommes. Dieu, étant la vie qui nous habite, est magnifié ou malmené selon que nous allons vers la vie ou la mort, car qui dit alliance, dit interdépendance. Et Dieu est allé au bout de cette dépendance avec Jésus. En Jésus, Dieu ne retient rien. Quand il donne, il se donne : nous faisons un avec lui, et il fait un avec nous. Solidarité absolue, sans retour. Sa gloire est remise entre nos mains : « Ce qui glorifie le Père, c’est que vous portiez du fruit », nous dit l’Évangile de Jean. Quelle bonne nouvelle ! ! Et quelle tâche, quelle mission : nous pouvons mettre Dieu en joie !