Fête de Sainte Marie Madeleine 2020
fr. Jean-François Bour, o.p. Couvent de Strasbourg.
Jn 20. 1. 1-18
Marie-Madeleine, regardez-la qui resplendit dans la lumière pascale !
Marie-Madeleine, regardez-la qui se passionne pour Dieu comme Lui se passionne pour nous !
Marie-Madeleine, regardez-la qui est envoyée enfanter l’Église !
Marie-Madeleine, regardez-la qui découvre la victoire du ressuscité pour elle, pour nous.
Quand saint Dominique a fondé l’Ordre des Prêcheurs au début du 13eme siècle, il commença par établir un couvent de femmes près de Carcassonne : c’est Prouilhe où nous avons des sœurs.
L’Ordre des Prêcheurs, ça commence donc ainsi, comme vous le savez. Un beau parallèle avec Marie-Madeleine, première apôtre de la résurrection et même « apôtre des apôtres », envoyée dire la joyeuse nouvelle aux frères apeurés, aux frères affligés… Bref, aux frères…
La voici, première sur le chemin de la prédication !
L’Ordre dominicain, ça commence ainsi, avec ce groupe de femmes cathares, d’une mouvance manichéenne qui méprisait le corps, la matière et la Création. Bref, ça commence avec des pécheresses… Et ça continue sans doute encore ainsi… Les frères ne sont évidemment pas en reste ! Notre Ordre commence donc avec des errantes converties, femmes que le Christ est venu chercher, montrant la lumière promise à nos corps de chair : car il n’a de mépris pour rien de ce qu’il a créé. Marie-Madeleine pouvait aisément devenir leur protectrice, leur inspiratrice et leur mère. Vous êtes, mes sœurs, filles de ces premières Madeleines-Moniales dominicaines. Frères et laïcs dominicains sommes, tous, fils et filles de ces femmes ressuscitées.
Car c’est de résurrection qu’il s’agit au cœur de l’été, alors que nous fêtons Marie-Madeleine. C’est le rappel lumineux pour chacun qu’il est ici parce que le ressuscité est venu à sa recherche en l’appelant par son nom. Sur nos routes aussi sinueuses soient-elles, Christ est venu à notre rencontre. Et n’oublions jamais que les premiers disciples en ont fait une expérience très charnelle : ils ont témoigné de ce que leurs yeux ont vu, de ce que leurs mains ont touché du Verbe de Vie avec qui ils ont mangé. En son corps, il a montré la lumière promise à nos corps de chair. Oui, le Verbe a pris notre peau pour que nous puissions revêtir le Christ !
L’indicible tendresse de Dieu a pris ce chemin pour atteindre les rivages souvent tourmentés de nos expériences, de nos émotions, de nos amitiés, de nos pleurs, de nos douleurs…
Alors j’ose vous le dire ainsi : ne renonçons pas à être charnels, frères et sœurs. Bien sûr, je ne veux pas vous encourager à la débauche, ni vous pousser à justifier de scandaleuses manipulations qui ont fait tant de mal, au cœur même de l’Église. Je me permets de le dire pourtant car rien de ce que nous vivons corporellement n’est étranger au Christ. Mais avec Marie-Madeleine, il faut encore apprendre comment ce corps va nous faire expérimenter la résurrection, le monde nouveau, la paix de l’Esprit. Laissons le ressuscité venir à nous, laissons-le nous faire signe depuis ce jardin qu’offre, ici à Chalais, la grande baie de l’abside. Croyez-le : il n’est arrêté ni par les murs épais ni par nos tâtonnements. Il se rend présent corporellement et nous lie les uns aux autres par un pain bien concret. C’est là que l’Église prend tout son sens. Voici qu’en ce corps glorifié où nous sommes incorporés nos corps découvrent qu’il sont grâce. Ils sont la grâce d’une communion possible, d’une fraternité, d’un monde réconcilié. Cela est tellement nécessaire en ces temps que nous vivons. Nous allons même avoir grand besoin de cette ressource biblique, anthropologique et spirituelle.
Suivons alors le ressuscité pour qui, tout désormais se décline en « nous » : Il monte vers son Dieu et notre Dieu, vers son Père et notre Père.
Et toi, si tu veux voir un signe que le monde nouveau a commencé, observe bien comment, appelé par ton nom, bien que pécheur, tu désires et cherches déjà comment associer concrètement à ta joie tous les autres : alors les trésors des cieux te sont ouverts et déjà tu es impatient de les distribuer autour de toi.