21ème Dimanche du TO B
Fr Maxime Allard op
Jn 6. 60-69
Choisir de rester… ou de partir !
Voulez-vous ou non rester et servir Dieu ? Désirez-vous demeurer membres du peuple de Dieu, du peuple des enfants d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, du peuple que Moïse a mené de l’Égypte aux portes d’un pays désormais investi, conquis ? Voilà la question que Josué adressait au peuple. C’est donc que rien n’était encore joué, accompli, avéré, durable, décidé. Malgré les aventures communes de la libération d’Égypte et de la conquête du pays, rien n’était encore certain, réellement choisi. Il restait à délibérer, à exprimer clairement son choix et à s’engager à fond. C’était une question de liberté et de vérité. Mais – et il importe d’en prendre la mesure – il aurait été possible de quitter la communauté des enfants d’Israël pour servir d’autres Dieu. Et même, après les déclarations solennelles accompagnées de rites et de symboles d’appartenance, il sera toujours et encore possible de quitter. Il n’est jamais trop tard pour partir, sortir. Il n’est jamais trop tard pour choisir de rester et de s’investir. Il n’est jamais trop tard pour se désolidariser, pour se dégager des commandements, des institutions religieuses comme le Temple et ses liturgies ou pour y prendre plaisir. Il n’est jamais trop tard pour élire l’avenir promis par Dieu à Moïse et par lui à son peuple ou pour s’en désempêtrer car cela ne nous convient pas ou parce que les observances sont trop rudes. Quitter pour servir ailleurs et autrui ou rester servir le Dieu libérateur, cela se choisit !
« Voulez-vous aussi quitter, partir, aller voir ailleurs ? » A quelques siècles de distance, Jésus rejoue la scène de Josué à Sichem. « Voulez-vous me quitter ? Voulez-vous vous éloigner de paroles que vous trouvées difficiles à accepter ? » Autrement dit, c’est comme si Jésus déclarait : « cette parole que vous trouvez difficile à recevoir, à digérer, à vivre, vous rebute-t-elle tant et tellement que vous êtes prêts à quitter la communauté que nous formons, vous, les disciples et moi Jésus ? » Sans chantage affectif ou plainte à la Brel, du genre « ne me quitte pas, ne me quitte pas, ne me quitte pas… », Jésus dit en quelque sorte : « Ne craignez pas, je ne vous retiendrai pas. Je vous laisse libres, libre pour choisir lorsqu’il vous devient évident que je ne suis pas une machine distributrice de pain, lorsqu’il devient évident que je ne me laisserai pas réduire à vous servir de thaumaturge génial. » On a l’impression que Jésus encourage et demande le choix, l’élection réfléchie de la part des disciples. À la limite, on pourrait dire ou croire que Jésus en a rajouté simplement pour forcer ses disciples à librement choisir, à s’engager à fond, à entrer de plein gré pour une autre aventure que la satisfaction de besoins de base.
Pourtant, Jésus est confiant. Certains resteront. Certains déclareront leur fidélité… au moins à ce moment-là… même s’ils seront infidèles plus tard, même s’ils abandonneront Jésus à son sort de Crucifié dans quelques temps et pour quelque temps. Ce qui compte c’est que ceux et celles qui resteront le feront pour y avoir réfléchi… et pour s’être, sans le savoir, le saisir ou même l’entrevoir, laissés pousser vers Jésus par son Père. Étranges jeux de notre libération par Dieu et de notre liberté soutenue par sa grâce, invitée par elle à le choisir.
La question de Jésus à ses disciples nous est adressée aujourd’hui encore. Compte tenu de ce qui se passe dans l’Église, compte tenu de nos réactions à la Parole de Dieu, voulons-nous rester ou quitter? Car, vous le savez, nous en faisons l’expérience, nos rapports à la Parole de Dieu et à la vie ecclésiale sont complexes. Parfois, ils nous font sourire ou nous entraînent dans une joyeuse espérance. D’autres jours, certains passages, certains faits font frémir, gémir, pleurer. D’autres passages et situations encore nous semblent irrecevables. Et, quelques années plus tard, nous les recevons, les mêmes, tout autrement. Mais, dans tous ces cas, il est possible de choisir de demeurer à son écoute, de rester dans la communauté ecclésiale. Il est possible de nous dire, personnellement et comme communauté, qu’il y a de la vie en jeu dans cette Parole et dans l’Église, qu’il y a là quelque chose pour nous nourrir, pour nourrir notre fidélité à Dieu, pour nous faire grandir dans l’espérance du Royaume… pour soutenir nos gestes de service et de charité les uns envers les autres.
Recevoir de Jésus lui-même la possibilité de quitter le registre de la foi chrétienne et ses exigences d’espérance et de charité, recevoir de lui la possibilité de choisir librement de rester dans la communion ecclésiale, cela est un don. Jésus nous donne le temps de le choisir… ou de ne pas le choisir. Il y a même, peut-être, en creux l’offre d’une période pour ne pas encore choisir, un suspens, une suspension en attente de vérification, le temps d’une écoute prolongée et d’un mûrissement !
Voulez-vous partir ? Si vous restez, célébrons ensemble l’Eucharistie. Rendons grâce au Seigneur pour sa parole libératrice qui nous rassemble !